Lorsque le métier de façonnier (prestataire spécialisé sur le conditionnement à façon) est apparu dans les années 70, la demande émanait principalement de PME qui
avaient recours à la sous-traitance pour palier un équipement inadapté à la réalisation de certaines opérations. Aujourd’hui encore, les PME représentent une part encore
prépondérante de la demande. Pour une PME, l’acquisition d’une machine est une décision importante, avec un impact financier sur de nombreuses années (période d’amortissement). Pour limiter leur endettement, nombre d’entre elles limitent leurs investissements à l’équipement industriel strictement nécessaire à la production et, souvent, à l’emballage générique. Dès lors qu’un produit doit recevoir un emballage complexe (suremballage, ajout d’objet promotionnel, format ou matière spéciaux), de façon permanente ou sur une série limitée, leur outil industriel ne suffit plus. Au lieu d’acquérir un équipement supplémentaire qui serait rarement utilisé, elles font appel à des prestataires locaux qui fournissent un service de proximité comme l'indique l'étude de marché. Les produits concernés sont envoyés chez le prestataire, conditionnés, puis réintégrés dans leur circuit logistique habituel. Le prestataire doit pouvoir répondre à la demande de ses clients, d’un point de vue quantitatif (volume sous-traité) et qualitatif (nature des opérations à effectuer), dans des délais raisonnables. La compétence d’un prestataire se mesure donc aussi à la disponibilité de son outil de production (hommes et machines), dont il doit optimiser l’utilisation. En effet, les contrats qui le lient à ses clients sont des contrats de courte durée, qui correspondent à des prestations occasionnelles (dans le cadre d’opérations promotionnelles ou pour des produits personnalisés) ou récurrentes (pour réaliser une opération spécifique sur un type de produit donné). Il est très rare qu’un seul de ses clients occupe de manière significative son outil de production tout au long de l’année. Le prestataire doit donc connaître et prévoir les besoins de ses clients. Ce ne peut être qu’un travail de proximité : trouver plusieurs clients dans un périmètre restreint, avec des besoins semblables par leur nature (c’est-à-dire réalisables avec le même outil de production), mais décalés dans le temps. C’est donc le savoir-faire lié à la mutualisation des besoins qui concentre la valeur ajoutée par le prestataire : il est avant tout un organisateur. Dans ces conditions, le modèle économique sous-jacent est viable si les prestations réalisées restent basiques (fardelage, cellophanage, mise en étui…) et représentent le plus petit dénominateur commun entre la demande de tous les clients. Ainsi, le prestataire peut limiter le nombre de machines et ajuster ses propres besoins par un recours à la main-d’oeuvre (contrats à durée déterminée, intérim). L’investissement requis reste donc relativement faible, beaucoup d’opérations étant réalisées à la main, comme l’étiquetage par exemple ; les machines indispensables sont polyvalentes, les surfaces des usines-entrepôts à la mesure des volumes traités. Sur ce marché local du conditionnement à façon à destination des PME, il n’existe quasiment aucune barrière à l’entrée, ni capitalistique ni technologique. Une multitude de prestataires se partagent aujourd’hui le marché, sans qu’il n’y ait toutefois de véritable concurrence puisque chacun est positionné sur une zone de chalandise locale qui semble protégée. En effet, le maillage du territoire étant désormais suffisamment dense, le nombre de nouveaux entrants est forcément limité.
Les Grands comptes ne sont pas en reste...
Après avoir fait ses preuves auprès des PME depuis plus de vingt ans, le conditionnement à façon s’est fortement développé auprès des grands comptes au cours des années 90, pour des raisons de réactivité et d’adaptabilité. La demande des grands comptes n’est pas liée à un problème qualitatif (ils maîtrisent les techniques nécessaires et sont bien équipés en machines), mais quantitatif (gestion des capacités de production). En effet, leurs capacités de production sont calculées au plus
juste, et leurs limites sont facilement atteintes en cas de variation sensible de la demande (pic de production, opération promotionnelle, saisonnalité). Pour ces donneurs d’ordre, une des solutions à la variabilité de plus en plus forte de la demande est le recours à un prestataire externe. Ce qui est spécifique au marché des grands comptes, c’est la logique qui prévaut lors du choix du prestataire. Ce n’est plus une logique de proximité mais une logique de coût, et ce pour deux raisons :
• les donneurs d’ordre nationaux sont soumis à une concurrence forte qui les oblige à contrôler sévèrement leurs coûts de production ;
• les volumes concernés sont plus importants que dans le cas des PME : les produits peuvent être transportés sur de longues distances, le surcoût unitaire étant faible, et
compensé par une prestation de meilleur rapport qualité/prix chez le prestataire choisi.
Le développement du marché des grands comptes, significatif à partir du milieu des années 1990, crée donc les conditions d’une concurrence directe entre les prestataires :
• les industriels lancent désormais des appels d’offre au niveau régional ou national : un prestataire du Havre peut se voir ravir un marché par un prestataire de Marseille ;
• les volumes concernés sont sans commune mesure avec les volumes confiés par les PME, ce qui relance la course à l’équipement : pour le prestataire, il s’agit d’assurer une capacité de production suffisante (et disponible) tout en préservant ses marges grâce à des machines plus productives. Concurrence et besoins en ressources financières obligent les prestataires qui veulent travailler avec ces donneurs d’ordre à repenser leur modèle économique. Cette exigence est renforcée par l’évolution qualitative de la demande. En effet, les donneurs d’ordre nationaux, après quelques contrats tests, apprécient la flexibilité, la rapidité et la fiabilité de leurs prestataires. Ceux-ci se voient confier des responsabilités de plus en plus lourdes. Les cocontractants échangent des données informatiques, réfléchissent ensemble à l’amélioration des processus de production, créent des équipes mixtes. On ne parle plus de sous-traitance mais d’externalisation. Derrière ces évolutions terminologiques se cache une évolution industrielle qui comprend deux dimensions, une dimension technique et une dimension financière :
• du point de vue technique, il s’agit essentiellement d’une extension des compétences des prestataires qui réalisent des opérations de plus en plus complexes pour le compte de leur client (manchonnage, ensachage, dosage) et proposent des services associés : gestion de la production, traçabilité, contrôle qualité, prestations de conseil ;
• du point de vue financier, il s’agit d’un changement de taille et de besoins, car les machines nécessaires à la délivrance de ces nouvelles prestations sont plus spécialisées donc plus coûteuses, les surfaces des usines-entrepôts décuplées, les sites multipliés. En échange de leurs investissements, les prestataires signent des contrats à long terme, travaillent sur des sites dédiés (un seul client par site de production) et s’étendent géographiquement pour accompagner leurs clients. Aujourd’hui, un prestataire comme FM Logistic (leader en France) est présent dans 7 pays en Europe et peut investir 9 MEUR dans la création d’un site dédié de conditionnement et de distribution pour Kodak. Les prestataires logistiques ont commencé à concurrencer sérieusement les façonniers sur le marché du conditionnement à façon à partir du milieu des années 1990. Ces cinq dernières années ont été marquées par des rapprochements (acquisitions) entre les façonniers et les logisticiens. Il est probable qu’au cours des prochaines années, certains prestataires logistiques procèdent à de nouvelles acquisitions. Ces opérations sont motivées par des facteurs structurels :
• les façonniers sont très bien implantés sur le marché des PME, marché encore dominant du copacking ;
• les façonniers qui veulent capter la clientèle des grands comptes ont besoin de ressources financières supplémentaires, ressources dont disposent les logisticiens ;
• certains donneurs d’ordre nationaux cherchent à limiter le nombre de leurs prestataires et souhaitent donc l’intégration des prestations de conditionnement et des prestations logistiques. L’essentiel de la croissance du marché du conditionnement secondaire se concentre aujourd’hui sur le marché des grands comptes. Les prestataires qui ont répondu dès l’origine aux besoins des donneurs d’ordre nationaux et internationaux sont aujourd’hui les leaders du marché.