La multiplication des coffee-shop suscite depuis plusieurs mois de nombreuses interrogations sur la légalité de ce nouveau commerce et l’utilisation du cannabidiol dans un cadre récréatif ou médical.
La position de la ministre de la Santé est sans appel : les coffee-shop qui fleurissent un peu partout depuis le début de l’année devront bientôt fermer. Si elle reconnaît un certain flou juridique dans le droit français, Agnès Buzyn juge néanmoins illégale la vente des produits à base de cannabidiol (CBD), même lorsque ceux-ci revendiquent un taux de tétrahydrocannabinol (THC) inférieur à 0,2 %. Une revendication qui a pourtant permis l’éclosion de ces commerces d’un nouveau genre, inspirés du modèle amsterdamois et qui proposent de multiples produits pouvant être ingérés (gâteaux, tisanes, thés, bonbons…), inhalés (liquides à vapoter), vaporisés ou utilisés comme produits d’hygiène (dentifrice) et cosmétiques (huiles)… Le cannabidiol à l’origine de ces produits est en partie importée de Suisse, auprès de la société genevoise CBD420 (JKB Research). Une société qui s’est spécialisée dans la fabrication et la commercialisation de fleurs de cannabis séchés et de produits dérivés tels que des baumes, beurres et solutions sublinguales…
Ces produits à base de CBD sont-ils ou non des stupéfiants ? Oui, pour le ministère de la Santé, la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conditions addictives (Mildeca) et certains médecins qui demandent leur interdiction pure et simple. Ils s’appuient sur un arrêt de 2009 de la Cour de cassation, lequel rappelle « l’arrêté interministériel du 22 février 1990 qui classe comme stupéfiants le cannabis et la résine de cannabis, sans opérer de distinction entre les sous-espèces de cannabinacées ni le taux de THC qu’elles sont censées comporter ». Ces opposants rappellent par ailleurs que la loi française n’autorise que les produits à base de chanvre et de CBD à usage industriel (exemples : tissus, moquettes, papeterie…). Une position tranchée qui n’est toutefois pas partagée par tous les experts. Citons notamment le Docteur William Lowenstein, président de l’association SOS addiction. Selon lui, le CBD se situe dans « une zone grise » et n’est « ni un stupéfiant, ni un médicament ». Il devrait plutôt être considéré comme un aliment, dont la commercialisation pourrait être encadrée afin de garantir sa qualité. D’autres spécialistes vont plus loin et défendent la légalité de ces produits non addictogènes qui auraient de nombreuses propriétés à la frontière du bien-être et du médical. Ils atténueraient les maux de ventre, l’anxiété, les effets de la fatigue et de l’ivresse, soulageraient les convulsions, les inflammations et les nausées. Autant de propriétés que les gérants français de coffee-shop ne doivent toutefois pas revendiquer, sous peine d’être accusés d’exercice illégal de la pharmacie.
Un débat complexe qui pourrait ouvrir la voie au cannabis thérapeutique en officine
Même si elle demande l’interdiction de ces coffee-shop et s’oppose vigoureusement à la légalisation du cannabis à usage récréatif, Agnès Buzyn ne ferme pas la voie au cannabidiol à usage médical. Une alternative qui permettrait la commercialisation de médicaments luttant contre la douleur et la spasticité, et qui sont déjà autorisés dans de nombreux pays européens. À l’instar de Sativex®, spécialité prescrite aux patients souffrant de sclérose en plaques, qui a obtenu en France une AMM en 2014 mais n’est toujours pas commercialisée, faute d’entente sur son prix de vente entre le laboratoire Almirall et le Comité économique des produits de santé.
Un aliment, un médicament ou un stupéfiant illégal ? Le statut du CBD reste flou et son potentiel commercial incertain. Le droit français va devoir rapidement évoluer pour lever ces incertitudes. Un éclaircissement nécessaire dont dépendra la pérennité des coffee-shop à la française.
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LES ECHOS ETUDES
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