Le dernier baromètre de l’Afipa est sans appel : les ventes d’automédication ont poursuivi leur déclin en 2018, entraînant dans leur sillage l’ensemble du marché du selfcare.
Estimé à 3,9 milliards d’euros, le marché global du selfcare, tel que défini par l’Afipa, a globalement stagné en 2018 (+0,3 %). En cause, le repli important des médicaments d’automédication (-4,6 % en valeur), qui représentent à eux seuls près de 55 % du marché. La poursuite de ce trend baissier n’a pu être compensée par la bonne dynamique des autres segments qui composent cet univers de produits, à savoir les compléments alimentaires (+8,3 %, à 880 M€) et les dispositifs médicaux (+2,8 %, à 833 M€). À l’exception de la dermatologie, toutes les principales classes thérapeutiques sont en recul, en particulier les traitements des voies respiratoires (-9,1 %), l’antalgie (-6,6 %) et l’homéopathie (-1,2 %). Pour l’Afipa, les raisons de ce repli sont multiples : freins culturels au comportement d’automédication, impacts des relistages intervenus en 2017 (médicaments à base de codéine et de dérivés morphiniques), interdiction de la publicité pour les vasoconstricteurs, décalage des pathologies hivernales sur le début de l’année 2019…
Des contraintes réglementaires
qui se sont renforcées depuis le début de l'année 2018
Des facteurs de décroissance à la fois structurels et conjoncturels auxquels viendrait s’ajouter la concentration du réseau officinal au profit des grosses pharmacies et des centrales d’achats, lesquelles renforceraient leur pouvoir de négociation auprès des laboratoires pharmaceutiques. Autant dire que les perspectives de ce marché sont mal orientées car l’environnement réglementaire et politique en France n’est guère favorable à l’automédication. Un marché encore très peu développé si on le compare à ce qu’il représente dans les pays anglo-saxons et en Europe du nord.
En termes de recours à l'automédication, la France se situe
très en-dessous des pays anglo-saxons et de l'Allemagne
(source : Statista Consumer Market Outlook)
Le conseil et la prescription pharmaceutique, leviers de développement de l’automédication ?
Afin de soutenir ce marché, les industriels misent sur de nouveaux schémas de prise en charge en pharmacie. S’inspirant des parcours de soins mis en place pour certaines maladies chroniques, l’Afipa défend la notion de « parcours d’automédication pharmaceutique », à savoir une prise en charge protocolisée dans des pathologies pouvant être soignées en dehors de la prescription et de la consultation médicale. L’association a, d’ores et déjà, travaillé avec des sociétés savantes pour élaborer des protocoles et des arbres décisionnels dans deux domaines : les maux de gorge et l’antalgie. Ils seront présentés à la profession au cours du 1er semestre 2019. Une approche qui pourrait aller beaucoup plus loin si le droit à la prescription pharmaceutique était finalement accordé aux pharmaciens. Des modèles existent déjà, en Suisse (programme netCare), au Royaume-Uni (les pharmaciens sont reconnus comme des supplementary prescribers et peuvent élaborer des clinical management plan) et au Québec (depuis la loi 41 de 2015). Des pays qui accordent aux pharmaciens une place centrale dans l’organisation des soins primaires.
Les points clés à retenir
La notion de selfcare, telle que définie par l'Afipa, englobe des segments de produits très divers, avec des statuts (monopole/hors monopole officinal), des modes de consommation et des logiques économiques très disparates. Ce marché hétérogène engloble les médicaments de prescription médicale facultative (PMF) non prescrits, les compléments alimentaires et les dispositifs médicaux non prescrits.
Ce marché pourrait être bouleversé dans les années à venir avec, d'une part le renforcement des contraintes réglementaires relatives à la commercialisation de certains compléments alimentaires (voir la position récente de l'Académie de Pharmacie qui réclame la suppression des produits renfermant des plantes laxatives stimulantes), et d'autre part l'éventuel déremboursement de l'homéopathie (ce qui aurait probablement pour effet de porter préjudice à l'ensemble de cette classe de produits).
Désignant l’automédication « réelle », la PMF non prescrite représente une part limitée du marché officinal : seulement 8 % en valeur et 15 % en volume, selon les estimpation du GERS. Plusieurs facteurs peuvent être avancés pour expliquer cette situation, relativement atypique en Europe :
- La coexistence des médicaments de PMF remboursables et non remboursables, créant une asymétrie de concurrence au détriment des spécialités d’automédication au sens strict,
- Le faible intérêt voire l’opposition des médecins à l’égard de l’automédication et des médicaments déremboursés,
- Les niveaux des prix publics des produits non remboursables, (2 fois supérieurs en moyenne à ceux des « semi-éthiques »), les pharmaciens compensant leurs faibles niveaux de ventes en volume par des prix relativement plus élevés (et croissants) pour les médicaments non remboursables.
Certains médicaments d'automédication pourraient faire l'objet d'une prescription pharmaceutique protocolisée et rémunérée. A titre d'exemple, dans le cadre du programme suisse netCare, les pharmaciens proposent des conseils médicaux et assurent la prescription de certains médicaments pour de petites blessures et dans le cadre de pathologies considérées comme bénignes. L’objectif est de réduire les consultations médicales et le recours aux urgences hospitalières, en orientant les patients vers les officines. L’accueil dans les pharmacies adhérant au programme se fait sans rendez-vous. Le pharmacien assure un « triage » par algorithme reposant sur 24 arbres décisionnels et le complète, si nécessaire, par une téléconsultation médicale en vidéo. Ces arbres décisionnels couvrent les problèmes de santé les plus courants en soins primaires (cystite, pharyngite, sinusite, RGO, conjonctivite, borréliose, lombalgie, brûlures, hémorroïdes, asthme, rhinite, verrues, constipation, diarrhées, acné, impétigo, zona, eczéma, eczéma atopique, mycose aux mains et pieds, mycose cutanée, pityriasis versicolor, muguet et vulvo-vaginite). Les patients sont contactés 3 jours après le « triage » afin d’assurer correctement le suivi de leur traitement. La consultation est payante, le tarif varie selon les caisses d’assurance maladie.
Pour aller plus loin, découvrez notre étude sur le marché et la distribution des médicaments d'automédication.