La concurrence par les prix fait rage dans la grande distribution

19 juillet 2003 par
La concurrence par les prix fait rage dans la grande distribution
Les Echos Etudes

L’essoufflement de la consommation sur les marchés européens, couplée à la concurrence imposée par les enseignes hard-discount incitent et contraignent les distributeurs à renforcer leur image prix afin de défendre leurs parts de marché. En France, la circulaire Dutreil, qui entend transférer une partie des marges arrières vers l’avant, favorise également une plus grande agressivité commerciale. En 2002, cette volonté de se différencier sur le plan tarifaire s’est traduite par une forte progression des budgets publicitaires. Alors que le marché global ne progressait que de 3,3 %, la grande distribution alimentaire renforçait sa place de premier annonceur en augmentant sa pression publicitaire de 8,8 %, à 1,7 milliard d’euros (sur un total de 14,8 milliards d’euros) (1). Cette tendance se poursuit en 2003 puisque les budgets médias des enseignes alimentaires progressaient encore de 25 % au premier trimestre en glissement annuel (avec un doublement pour le groupe Auchan). Alors que les enseignes communiquent sur les promotions pour défendre leurs parts de marché au jour le jour, elles ne peuvent négliger la communication institutionnelle pour se forger une image porteuse et différenciante à long terme. Cette logique à double niveau, qui tend à accroître les budgets, devrait encore s’intensifier à partir de 2004 puisque les enseignes pourront communiquer sur leur image à la télévision, mais les messages promotionnels en resteront exclus. L’explosion des dépenses publicitaires accompagne la multiplication d’opérations promotionnelles de plus en plus agressives en matière de prix (opérations nationales en hausse de 39 % au premier semestre 2003 en
glissement annuel). Opération « 40 ans de discount » chez Carrefour : réduction allant jusqu’à 50 % tout au long de l’année 2003. Opération « 100 % remboursés » pour Intermarché en janvier 2003. Réduction de 5 % sur 250 références dans les supermarchés Casino en mars 2003. Parallèlement, les distributeurs affinent leurs programmes de fidélisation. La carte de fidélité (ou ticket) apparaît comme le procédé le plus utilisé et vient renforcer l’image prix des distributeurs : monnaie virtuelle (accumulation
d’euros au fur et à mesure des achats), bons de réduction sur des produits identifiés… Particulièrement coûteuse à mettre en place (alimentation de la base de donnée, exploitation des informations, primes versées aux consommateurs), ce système permet de limiter l’attrait du hard-discount, de limiter le zapping et d’accroître le panier moyen des clients.Le renforcement du discours sur les prix n’est pas une spécificité française puisque même le marché anglais, traditionnellement caractérisé par un positionnement tarifaire plus élevé, connaît une guerre des prix depuis l’implantation de Wal-Mart via l’acquisition d’Asda. En Allemagne, la concurrence imposée par les enseignes discount s’est doublée d’une réforme réglementaire qui élargit sensiblement les marges de manoeuvre des distributeurs en matière de promotions et de rabais : la multiplication des réductions s’est ainsi accompagnée d’un décollage des cartes de fidélité. Dans le reste de l’Europe, la progression des magasins hard-discount incite également à jouer la carte de la fidélisation et explique le développement de pratiques tarifaires plus agressives. Si le contexte économique (consommation atone) et concurrentiel (dynamisme du hard-discount) légitime le recours accru au levier des prix bas, les distributeurs s’exposent néanmoins à une neutralisation des campagnes
promotionnelles et à une banalisation des opérations. La multiplication des avantages tarifaires consentis (rabais, monnaie virtuelle) risque de neutraliser les effets bénéfiques attendus par les enseignes et de lisser le positionnement prix des enseignes. En outre, elle tend à modifier les habitudes de consommation en installant de nouvelles références dans l’esprit des clients. Enfin, les différentes opérations entraînent une plus grande confusion pour les consommateurs qui risquent d’être perdu face
aux différentes offres et face à des systèmes de fidélisation de plus en plus complexes. Par conséquent, c’est le hard-discount qui, grâce à un concept extrêmement simple et lisible, pourrait bénéficier en premier lieu de toutes ces initiatives. Par ailleurs, les programmes mis en oeuvre représentent un coût non négligeable. Au vue du niveau déjà élevé de la coopération commerciale (marges arrières) et de la volonté des autorités publiques d’en limiter la progression, les distributeurs devront prendre en charge une partie de cette surenchère et consentir un effort sur leurs propres marges. Si l’argument prix demeure décisif, la fidélisation semble toutefois nécessiter
des stratégies privilégiant une vision à plus long terme. Cela passe notamment par des formats plus marketés qui permettent de segmenter les consommateurs.

La concurrence par les prix fait rage dans la grande distribution
Les Echos Etudes 19 juillet 2003
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