Actuellement portée par le vieillissement de la population et un taux d’équipement encore très faible des personnes de plus de 60-70 ans, la croissance du marché de l’audioprothèse devrait fortement s’accélérer dans les années à venir. Car les besoins d’appareillage devraient être renforcés par le rajeunissement tendanciel des personnes souffrant de déficience auditive. Ce phénomène résulte de deux évolutions. La première tient à l’allongement de la durée du travail et à la hausse du nombre d’actifs de plus de 50 ans –conséquence des réformes des retraites introduites depuis le milieu des années 1990. Ces réformes ont modifié les comportements sur le marché du travail et entraîné une augmentation du taux d’activité au-delà de 55 ans. Or si 41 % des actifs de plus de 50 ans expriment des difficultés pour comprendre les conversations en cas de bruit ou en présence de plusieurs interlocuteurs, ils ne sont que 10 % à porter un appareil auditif, selon une enquête menée par OpinionWay pour Audioptic. La stigmatisation du port d’une audioprothèse en milieu professionnel explique évidemment ce pourcentage très bas. Le deuxième facteur de rajeunissement des déficients auditifs tient à l’évolution des modes de vie des jeunes générations, de plus en plus exposées au risque de surdité précoce, par la pratique de certains sports et l’augmentation importante des bruits dits de loisirs (port de casques et d’écouteurs, volume sonore des concerts, etc.). Selon une étude menée par Larry Roberts de l’Université canadienne de McMaster, 28 % des adolescents souffrent déjà d’acouphènes persistants, un trouble qui se manifeste habituellement après 50 ans. Cette étude identifie « un problème en pleine expansion » et qui devrait empirer dans les années à venir. On relèvera à cet égard la campagne de sensibilisation lancée en juin 2017 par l’association JNA auprès des jeunes français, en amont de la fête de la Musique et des nombreux festivals d’été (diffusion d’une mini-BD pédagogique avec Bob Sinclar comme personnage principal).
Quels impacts ces évolutions auront-elles pour les acteurs du marché ?
On peut d’ores et déjà identifier trois grandes conséquences. La première concerne la nécessaire mise en place de programmes de prévention en entreprise et d’accompagnement des salariés exposés au risque de perte auditive (en raison de leur âge et/ou de conditions de travail particulières). Ces démarches pourraient faire l’objet de partenariats entre les distributeurs et les fabricants d’une part, et les complémentaires santé et les DRH d’autre part. Peu d’entreprises prennent actuellement la mesure de ce risque. Les principales actions mises en place se concentrent sur la prévention (matériels de téléphonie adaptés, casques qui permettent de moduler le son, bouchons d’oreilles sur mesure, ateliers d’information...), mais peu accompagnent leurs salariés qui souffrent effectivement d’un déficit auditif, même léger ou modéré. Des actions concrètes pourraient notamment être mises en œuvre pour dé-stigmatiser le port d’aides auditives en milieu professionnel.
Deuxième axe : l’évolution de la distribution et la modernisation des formats de magasins, à adapter pour accueillir ces populations plus jeunes (adolescents, jeunes actifs, jeunes seniors). Les enseignes mixtes, qui parient sur la distribution conjointe de l’optique et de l’audioprothèse, sont bien placées pour relever ce défi. Et bien-sûr le canal Internet, encore très peu investi par les acteurs du marché. L’initiative de Sivantos mérite d’être ici mentionnée dans la mesure où ce fabricant est le premier à vouloir capter les jeunes malentendants en s'appuyant sur le web. Il propose des informations, des conseils et un test d'audition en ligne pour inciter l'internaute à consulter si nécessaire un audioprothésiste. « Une démarche qu'il n'aurait jamais accomplie spontanément », expliquait en 2016 dans Les Echos Pascal Boulud, président de Sivantos en France. Grâce à cette plate-forme Internet, Sivantos a élargi sa cible et reculé de dix ans l'âge moyen d'appareillage de sa clientèle.
Enfin, ce phénomène de rajeunissement devrait inciter les fabricants à, d’une part miniaturiser leurs produits, et d’autre part développer le marché des aides auditives connectées. Reliées à un smartphone pour en contrôler les réglages, ces dernières utilisent une technologie sans-fil qui diffuse le son directement (sans dispositif intermédiaire) depuis un téléphone portable ou une tablette tactile. A titre d’exemple, Starkey propose les aides « Halo Made for IPhone® », qui sont associées à l’application de gestion TruLink® (compatible avec IPhone, Android et l’Apple Watch). Elles permettent de transmettre des appels téléphoniques et de la musique à partir du téléphone portable. Deux modèles sont disponibles pour les pertes auditives légères à sévères. Oticon propose également une solution fonctionnelle équivalente. Plus largement, les « earables » sont des accessoires audio connectés et intelligents ayant d'autres fonctions que celle de diffuser du son. Représentant aux Etats-Unis des ventes annuelles de 2,5 milliards de dollars, ce nouveau marché est actuellement investi par des entreprises comme Sony, Apple, Samsung (Projet Earcle), Microsoft (projet « Clip » proposant les fonctionnalités de l’assistant vocal Cortana), Bragi ou i.am + (start-up du chanteur Will.i.am). Ces groupes ou start-up développent des oreillettes (« wearables auditifs ») capables de communiquer avec leur utilisateur grâce à une intelligence artificielle dotée de fonctions de reconnaissance vocale et de capteurs cinétiques. Leur utilisation peut donc être beaucoup plus intensive que celle des audioprothèses classiques. Grâce à leur interface vocale, les écouteurs intelligents permettent par ailleurs de diffuser une quantité d'informations nettement plus importante que les petits écrans des bracelets et autres montres connectées. Cette nouvelle génération de « earables » pourrait donc devenir une véritable alternative au smartphone dans la recherche et la diffusion de contenus. Si ces produits ne s’adressent pas particulièrement aux malentendants, ils pourraient néanmoins inspirer les fabricants sur certaines fonctionnalités de leurs aides auditives.
Article publié dans Audio Infos du mois de juin-juillet 2017.
Source : Les Echos Etudes, Les marchés et la distribution de l’optique et de l’audioprothèse, réalisée par Hélène Decourteix, consultante
Pour aller plus moins, consultez la présentation détaillée de l'étude publiée par Les Echos Etudes