[INTERVIEW] LUTTER CONTRE LA DESERTIFICATION DU MONDE RURAL

API implante des supérettes autonomes au cœur des villages pour apporter des services de proximité et recréer des liens humains. Interview de Marie-Laure Basset, CEO d'API.
25 juillet 2024 par
[INTERVIEW] LUTTER CONTRE LA DESERTIFICATION DU MONDE RURAL
BERVILY Elodie

Crédit photo : Droits réservés

Comment est née l’idée de création d’API ?

Marie-Laure Basset : API a été créé par deux entrepreneurs, Alex Grammatico et Julien Nau, pour lutter contre la désertification du monde rural. Au-delà d’un isolement géographique, les habitants du monde rural perdent peu à peu ce qui fait l’âme des villages : proximité, solidarité, lieux de rencontres… Alex et Julien se sont ainsi inspirés de ce qui existe en Suède : des supérettes autonomes pour les personnes vivant dans des zones isolées. Ils cherchaient quelqu’un pour diriger la société et j’ai rejoint l’aventure. C’est ainsi qu’API est née en juin 2022 et nous avons ouvert notre première supérette en novembre 2022, à Claix, près d’Angoulême (16).

API est une entreprise à mission. Pouvez-vous nous en dire plus ?

M-L. B. : depuis sa naissance et au-delà de son service de proximité, API œuvre à contribuer au développement et à la redynamisation du monde rural. C’est donc très naturellement que nous avons décidé de devenir une entreprise à mission en mars 2023. Depuis les années 80, près de 40 % des communes françaises ont vu leur commerce de proximité fermer, obligeant des millions d’habitants de petits villages à faire parfois plus de 30 minutes aller-retour en voiture pour accéder à leurs produits du quotidien. Nous avons donc imaginé des supérettes que nous implantons dans des petites communes de 700 habitants au minimum qui n’ont plus de services, plus d’épiceries et qui sont éloignées d’un supermarché.

Pouvez-vous nous présenter le concept des magasins API ?

M-L. B. : API, ce sont des supérettes qui fonctionnent de manière autonome et connectée, ce qui permet de garantir une ouverture 24h/24 et 7j/7. Concrètement, ce sont des mobil-homes de 40 m² que nous avons aménagés en point de vente. Nos clients ont juste à créer leur compte en ligne pour obtenir un QR code qui, une fois scanné, ouvre les portes de la supérette. Ils font leurs courses, passent à la caisse automatique et règlent leurs achats en carte bancaire. Côté offre, nous proposons 700 produits : des fruits et légumes, du surgelé, des produits frais, de l’épicerie salée et sucrée, des produits d’hygiène et de soins... Nous avons construit notre référencement autour des 700 produits du quotidien, vraiment indispensables. Et la force de notre concept, c’est que 70 % de notre offre est à prix supermarché. Pour cela, nous nous approvisionnons auprès de Carrefour avec qui nous avons un partenariat. Nous complétons cette offre avec des produits locaux. Quand nous ouvrons une supérette, nous démarchons les producteurs locaux dans un rayon de 50 km. Cela représente aujourd’hui 5 % de notre référencement, mais cette part a vocation à augmenter.

Vous assurez aussi une présence humaine ?

M-L. B. : tout à fait. Si nos supérettes sont en libre-service, une présence quotidienne est assurée par un gestionnaire, « l’apicier ». Il est recruté localement et passe tous les jours à heures fixes dans chacun des magasins qu’il gère. Il s’occupe des commandes, réapprovisionne les rayons, entretient le local, anime la supérette et accompagne les clients qui en ont besoin. Nous travaillons également avec des ambassadeurs, des personnes qui vont nous aider à gagner en visibilité, à augmenter notre ancrage local. Ils organisent des moments de rencontre et des ateliers sur divers thématiques : le bien-manger, le numérique… Et à chaque fois que nous ouvrons une supérette, nous organisons une grande fête au village. C’est un moment important où nous rencontrons les habitants et pouvons leur expliquer comment fonctionne leur supérette. C’est toute une relation avec les habitants qui s’installe et c’est primordial de la cultiver sur le long terme.

Combien de supérettes API avez-vous implanté ?

M-L. B. : nous avons aujourd’hui un réseau de 60 supérettes. Elles sont très majoritairement présentes en région Nouvelle-Aquitaine. Mais nous sommes aussi implantés en Vendée, dans les Pays de la Loire et, plus récemment, en Normandie. Nous avons vocation à être présents partout en France. Notre potentiel de développement est immense, tant les besoins sont importants.

Quelles sont vos perspectives de développement ?

M-L. B. : ce qui nous importe, ce sont les deux aspects de notre mission. C’est tout d’abord l’impact social avec cette volonté forte de redynamiser les villages, mais c’est aussi l’impact environnemental, car nous évitons aux habitants de prendre leur voiture pour aller faire leurs courses. Forts de ces deux piliers, nous avons un objectif ambitieux de développement national.

Et tout cela, grâce aux équipes d’API qui se surinvestissent au quotidien pour faire aboutir notre mission, pour faire vivre ce beau et nouveau modèle malgré les difficultés. Nous avons beaucoup de demandes de nouvelles implantations mais nous devons maîtriser notre développement via une implantation de nos supérettes en grappes, pour que notre modèle soit rentable donc pérenne.

Comment envisagez-vous l’avenir d’API ?

M-L. B. : avec une grande confiance ! Notre rêve est de faire revivre les places de village et la première brique, c’est la supérette API.

Souvent, les clients espèrent l’ouverture d’autres services de proximité à côté de nos supérettes : une maison médicale, des bornes de recharge électrique… Par exemple, à Claix, où nous avons ouvert notre première supérette, une prothésiste ongulaire s’est installée et un food truck est présent 2 fois par semaine. Juste à côté, il y a un café-restaurant, fermé depuis des années. Nous rêvons qu’il réouvre et qu’il soit géré, pourquoi pas, par un de nos « apiciers ».

Fiche d’identité

Dénomination : API
Activité : supérettes libre-service installées dans les villages
Création : juin 2022
Effectif : 60 personnes
Web : https://api-masuperette.fr/

Copyright : Les Echos Publishing

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BERVILY Elodie 25 juillet 2024
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