Crédit photo : Francois BLAZQUEZ
Pourriez-vous vous présenter, ainsi que votre pharmacie ?
Baptiste Holveck : je suis pharmacien titulaire de la grande pharmacie de la Rocade, à Lormont en banlieue de Bordeaux (33). En plus d’une activité d’officine « générale », notre pharmacie est spécialisée dans la Préparation des Doses à Administrer (PDA), qui occupe 18 personnes de notre équipe.
En quoi consiste un service de PDA ?
B. H. : il existe 2 principaux types de PDA : la PDA manuelle et la PDA automatisée. Le premier cas consiste à préparer le pilulier des patients à leur demande. Nous sommes dans le second cas. Nous disposons de 4 robots de préparation de doses à administrer sous forme de sachets-doses nominatifs, qui correspondent chacun à une prise médicamenteuse. Il peut contenir plusieurs médicaments, selon les cas. Ainsi, le patient dispose d’autant de sachets que de doses journalières. Ces médicaments prenant la forme orale uniquement (comprimés ou gélules).
Combien de pharmacies proposent ce service en France ?
B. H. : en France, je pense qu’un peu plus de 400 pharmacies disposent de machines pour réaliser de la PDA automatisée. Environ le même nombre propose de la PDA manuelle. Cela correspond à 4 % des officines au total. Il est donc assez peu courant de proposer ce type de service.
Depuis quand proposez-vous des services de PDA ? Qu’est-ce qui vous a décidé à vous lancer ?
B. H. : depuis la loi HPST qui date de 2009, la PDA est devenue un acte pharmaceutique en tant que tel. Je me suis rapidement mis à proposer cette offre de service pour répondre à la demande d’un premier Ehpad situé à proximité de la pharmacie. Ces établissements sont particulièrement demandeurs de ce type d’accompagnement pour leurs résidents : cela leur permet de gagner un temps certain puisque le personnel peut distribuer directement les sachets-doses aux patients sans avoir à les préparer au préalable. De plus, cela permet de limiter les erreurs de médication, qui peuvent s’avérer dangereuses pour le patient.
Pourriez-vous nous expliquer comment vous avez mis en place cette activité ?
B. H. : ayant suivi une spécialisation officinale, je disposais de peu de compétences en assurance qualité et en processus industriel. Je me suis donc fait accompagner par des organismes externes, puis par mon réseau professionnel. J’ai ainsi pu me former aux procédures associées à ce process semi-industriel, à la démarche d’une analyse de risques, etc. D’un point de vue opérationnel, nous avons d’abord fait l’acquisition d’une ensacheuse et engagé 2 personnes pour proposer ce service au premier Ehpad qui nous a sollicité pour les approvisionner.
Quel est le modèle économique de cette activité ?
B. H. : les pharmacies qui proposent ce type de service investissent elles-mêmes dans la PDA et la financent sur leur marge. La pharmacie doit acquérir le ou les robots, employer des livreurs, etc. à ses frais. La contrepartie réside dans l’activité pérenne pour la pharmacie qui est rentabilisée par des volumes importants de médicaments délivrés par ce canal. Aujourd’hui, nous dispensons des médicaments en PDA à 2 500 patients, ce qui nous permet de disposer d’une équipe dédiée de 18 personnes. La PDA représente environ 1/3 de notre activité.
Concrètement, quel est le processus associé ?
B. H. : nous réceptionnons les ordonnances via les logiciels internes des établissements avec lesquels nous sommes interfacés de façon sécurisée. Nous récupérons les informations de prescription de manière sécurisée et vérifions la validité de l’ordonnance. Puis, nous préparons les sachets, et enfin nous assurons leur livraison dans un rayon de 80 km autour de l’officine, grâce à nos 3 livreurs, du lundi au samedi.
À quel niveau la responsabilité du pharmacien est-elle engagée ?
B. H. : nous engageons notre responsabilité concernant la conformité des sachets par rapport à la prescription. C’est un service pharmaceutique qui est au cœur de la mission de pharmacien : dispenser des médicaments de manière sécurisée aux patients. En termes de traçabilité, nous apposons sur le sachet la dénomination du médicament, son dosage, sa date de péremption, le numéro de lot, etc.
Quels sont les principaux avantages et risques associés à cette activité ?
B. H. : outre l’adéquation profonde entre ce service et le métier de pharmacien, le fait de proposer de la PDA permet de diversifier ses canaux de distribution de médicaments. En revanche, si un contrat avec un Ehpad est rompu, nous perdons de nombreux patients en une seule fois. L’enjeu est donc avant tout réputationnel. Le développement d’une activité de PDA doit se faire petit à petit pour garantir une activité pérenne et complémentaire de la délivrance en officine.
Quel est l’avenir de la PDA selon vous ?
B. H. : je suis convaincu que la PDA continuera à exister dans les Ehpad et les établissements médico-sociaux. Il y a également un réel besoin chez les patients en ville. La population française est vieillissante et souvent polymédiquée avec tous les risques qui en découlent. La PDA permet, là encore, de sécuriser la prise médicamenteuse, mais également d’améliorer l’observance, qui constitue un enjeu important. Cela participerait également à diminuer le risque iatrogénique avec les erreurs de prises de médicaments. Je suis convaincu que la PDA a beaucoup d’avenir pour les patients en ville. Certains freins réglementaires et économiques devront néanmoins être levés pour avancer sur ce sujet.
Fiche d’identité
Dénomination : Pharmacie de la Rocade
Activité : pharmacie proposant le service de PDA
Création : 2011
Effectif : 40 personnes dont 6 pharmaciens adjoints et 21 préparateurs
Web : https://pharmacieholveck.rocade.fr/
Copyright : Les Echos Publishing