[INTERVIEW] C’EST UN MODELE DE TRANSPORT HYBRIDE

Totoom est un service de transport en commun en zone rurale, à la croisée des chemins des services de cars et des taxis ou chauffeurs privés. Interview de Jean-Marc Dardalhon, son fondateur.
15 janvier 2025 par
[INTERVIEW] C’EST UN MODELE DE TRANSPORT HYBRIDE
MEZIANI Hélène

Crédit photo : Lionel GUICHARD

Pourquoi avoir créé Totoom ?

Jean-Marc Dardalhon : après 22 ans en tant qu’ingénieur du son, j’ai décidé de me reconvertir en 2014 et je souhaitais revenir dans ma région natale, dans les Cevennes. La question s’est posée de ce que j’allais faire, une fois revenu dans le Sud. J’ai pris la décision de m’impliquer dans une société de services ancrée dans la tradition écologique en 2015. En 2017, j’ai créé une première société. C’était déjà une application qui prônait la mobilité électrique dans l’Hérault et dans le Gard, qui s’appelait Red and White. Et chemin faisant, nous avons pu mettre en place un modèle économique qui facilite le report modal entre les zones rurales et les métropoles, qui s’inscrit dans un concept de partage, de mutualisation des transports, avec des véhicules 100 % électriques. C’est comme ça qu’est né Totoom en Rhône-Alpes.

Pourquoi dans la région Rhône-Alpes ?

J-M. D. :le modèle nécessite le soutien des collectivités, quelles qu’elles soient : Régions, État, communes… Je ne parle pas de subventions, mais, simplement, nous demandons aux collectivités de faire connaître ce service privé innovant, qui est une alternative à la voiture individuelle dans les territoires ruraux. Ce soutien, nous ne l’avons pas trouvé en Occitanie mais nous l’avons trouvé en Rhône-Alpes.

Que fait Totoom ?

J-M. D. : c’est un modèle hybride entre services de bus ou de car, puisque nous avons des lignes fixes à horaires prédéfinis, et un service de chauffeur privé ou de taxi, car nous prenons en charge les personnes à domicile dans un van de 7 places. Les terminus des lignes sont toujours une gare TGV, TER ou Intercités ou un aéroport. Entre ces points, nous desservons toutes les communes qui bordent la ligne. Par exemple, sur la ligne entre Clermont-Ferrand et Saint-Étienne que nous avons ouverte en octobre, nous desservons 160 hameaux, villages et communes qui, jusqu’à présent, étaient en carence de transports collectifs. L’objectif était de trouver un modèle permettant de proposer un nouveau mode de transport en commun dans les territoires ruraux, à bas prix et bas carbone. Il faut que ce soit incitatif, donc moins cher que l’utilisation de la voiture individuelle (essence, assurance, entretien, etc.). Il faut aussi que ce soit confortable. C’est le cas grâce à l’utilisation de vans haut de gamme. Enfin, il faut que cela diminue les contraintes : que cela aille vite et sans stress. Nous avons résolu cette problématique en prenant en charge les passagers à domicile.

Comment choisissez-vous l’emplacement des lignes ?

J-M. D. : nous agissons sur des territoires sur lesquels la mise en place de transports collectifs est compliquée économiquement parlant. Nos vans, qui peuvent transporter 6 passagers, correspondent bien à un usage moyen de personnes qui vont se déplacer pour aller vers une gare ou un aéroport. Notre modèle économique fait que nous sommes rentables à partir de 2,6 passagers par trajet. Sur les territoires qui longent nos lignes, il y a autour de 300 000 habitants. Donc on peut penser en toute légitimité qu’il y aura bien 3 passagers dans le van. Et c’est ce qui se passe sur la 1re ligne que nous avons créée en septembre 2023 entre Le Puy-en-Velay et Lyon-Saint Exupéry, qui a été étendue 6 mois plus tard jusqu’à Langogne en Lozère.

Comment se passe la réservation ?

J-M. D. : nous avons une application. Elle est parfaite pour les usagers qui nous connaissent déjà. Mais il faut aussi penser au passager éphémère, qui ne va pas télécharger une application. Notre site intègre un moteur de réservation en quelques clics. Nous sommes aussi partenaires d’un navigateur de billetterie de bus, Distribusion, et nous sommes référencés sur Google Maps. Enfin, le téléphone représente 50 % de nos réservations.

Où en êtes-vous aujourd’hui ?

J-M. D. : la 2e ligne que nous avons créée relie Le Puy-en-Velay à La Chaise-Dieu et Le Puy-en-Velay aux Estables. La 3e ligne a été ouverte en octobre entre Clermont-Ferrand et Saint-Étienne. Nous avons créé 7 emplois cette année. Nous proposons 9 allers/retours par jour entre Le Puy-en-Velay et Saint-Exupéry. Le service est déclenché dès la première réservation. Bien sûr, quand il n’y a qu’un passager, nous ne sommes pas rentables. Mais en moyenne, nous sommes à 2,2 ou 2,3. Et ceci sans soutien des collectivités. En Haute-Loire, nous n’avons pas trouvé le soutien que nous attendions en termes de visibilité et de communication des collectivités. C’est en train de venir du côté de Clermont-Ferrand où l’ensemble des acteurs locaux sont réactifs et dynamiques sur ce sujet. Nous avons réussi à inventer un modèle de transport en commun qui est à l’équilibre en un an d’activité. Ce qui pour du transport de personnes est un petit exploit.

Quels sont vos projets ?

J-M. D. :nous voulons faire un maillage territorial dans le Massif Central, car c’est le territoire qui est le plus en souffrance en termes de temps pour rejoindre une gare TGV ou un aéroport, et nous développer aussi vers le Nord et l’Est de la région. Sont prévues en 2025 : Clermont-Ferrand/Aurillac, Clermont-Ferrand/Brive et Le Puy-en-Velay/Clermont-Ferrand. Et à terme, l’ambition est nationale mais sans horizon défini. Notre service de navette express régionale est duplicable à l’ensemble du territoire, dès qu’on sort des grands axes. Nous sommes prêts à discuter avec les collectivités d’une solution, par exemple avec un développement en franchise. Enfin, nos chauffeurs salariés sont formés à la bienveillance et à l’accompagnement des passagers. Totoom est donc l’outil idéal pour développer une véritable mobilité inclusive. Nous voulons travailler avec les acteurs de l’économie sociale et solidaire, avec les Maisons départementales pour les personnes handicapées… Nous souhaitons à la fois mettre en place un service qui permet la mobilité des personnes handicapées, mais aussi des personnes précaires, avec un tarif raisonnable.


Fiche identité 

Dénomination : Totoom 
Activité : transport collectif en zone rurale
Nombre de passagers :
 500 en novembre 2024
Nombre de chauffeurs : 7 salariés
Web :
www.totoom.fr

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