L'année 2001 a marqué la fin d'une période faste pour le secteur français des assurances, entretenue par la bulle boursière et la montée en puissance de l'assurance de personnes. Cette configuration a masqué la dégradation des fondamentaux techniques du secteur : maturité du marché (croissance voisine de celle du rythme de l’inflation), accroissement tendanciel du coût et de la fréquence des sinistres, faiblesse des tarifs en dommages, la France étant l’une des places le plus concurrentielles du monde.
Pour ces raisons, le marché français des assurances, hors institutions de prévoyances (IP) et mutuelles 45, s’est établi à 127 milliards d’euros en 2001, en recul de -3,2%, contre un trend de croissance à deux chiffres les années précédentes. A contrario, les mutuelles 45 et les IP ont enregistré une croissance de leur chiffre d’affaires supérieure à 12%, mais leur cœur d’activité (santé, protection sociale complémentaire) n’est pas soumis aux mêmes fondamentaux que celui des assureurs traditionnels. Le repli du marché en 2011 résulte de la conjugaison du retournement des marchés financiers, de la hausse de la sinistralité et du ralentissement économique. La chute de la collecte en assurance de personnes, qui représente près des trois quarts du marché des assurances, n’a pas été compensée par le redémarrage de l’assurance dommage, qui est resté essentiellement technique (hausse des tarifs). Il ressort de notre étude de marché que :
- L’assurance de personnes a chuté en 2001de manière spectaculaire (-6,3%), sous l’effet du dégonflement de la bulle boursière. Les assureurs s’étaient particulièrement exposés aux marchés actions avec la vente de contrats d’assurance vie en UC. Celle-ci s’est effondrée en 2001 (-40%) et n’a pas été compensée par le redémarrage des contrats en euros (+16%). Or, l’assurance vie occupe un poids déterminant dans l’assurance de personnes (85% environ), tandis que l’assurance santé est en stagnation. Toutefois, l’assurance de personnes représente des fondamentaux solides à moyen et long terme : une évolution démographique favorable (vieillissement, hausse de la population globale), la hausse tendancielle des dépenses de santé et les inquiétudes des Français au sujet de la dépendance et de la retraite alimenteront la branche en affaires nouvelles. Les bancassureurs dominent aujourd’hui cette branche avec 60% de parts de marché ;
- L’assurance dommages est une branche mature sur ses principaux segments, ce qui signifie que les augmentations de tarifs sont déterminantes pour soutenir le chiffre d’affaires. Jusqu’à 1999, la pression concurrentielle, notamment sur les marchés de masse (présence des MSI sur l’auto et la MRH), était telle que les tarifs suivaient une tendance baissière, en dépit de l’augmentation de la sinistralité. En conséquence, les résultats techniques étaient extrêmement faibles. Pour compenser le médiocre rentabilité intrinsèque (ratios combinés supérieurs à 100%), les assureurs ont dégagé des produits financiers en forte hausse, qui ont pu atteindre 50% des primes brutes en 2000. Le primat donné aux produits financiers a progressivement éloigné les assureurs des variables essentielles de leur métier, la tarification et la sélection du risque. La conjonction brutale d’une sinistralité lourde et de la baisse des indices boursiers a précipité les augmentations de tarifs, l’effet volume ne jouant que sur un nombre limité de segments : assistance, protection juridique, assurance construction ;
- La gestion d’actifs a vu ses encours progresser très faiblement en 2001 (+3%), ce qui correspond de fait à une baisse des encours hors collecte nette. Les grands intervenants se sont mieux comportés que le marché, à la faveur d’acquisitions. La gestion d’actifs est le métier le plus attractif, cumulant une faible exigence en fonds propres alloués (et donc permettant d’obtenir des ROE très forts), une certaine récurrence des résultats et surtout des perspectives de croissance supérieures à celles des autres branches (développement de l’épargne retraite et de l’épargne salariale). Toutefois, un seul assureur français apparaît dans les leaders européens, AXA. Les banques sont de solides concurrents sur ce segment, tant en gestion qu’en distribution ;
- Le segment des risques industriels a subi les conséquences financières des catastrophes et accidents des années 1999-2001, qui ont eu pour effet de rationner les quantités (sorties du marché de certains assureurs, exclusions de garanties) et de majorer fortement les tarifs en 2001, une hausse qui se poursuivra en 2002 et en 2003. En conséquence, le chiffre d’affaires de ce segment de l’assurance dommages est en progression nominale de +10% en 2001. Les risques ont changé de nature et sont devenus cumulatifs (plusieurs classes de risques auparavant jugées non corrélées se sont cumulées lors du sinistre du World Trade Center, selon un effet de dominos), ce qui a eu pour conséquence l’augmentation du coût de la réassurance et des sinistres. Enfin, la baisse des produits financiers liée à la chute des indices boursiers a fragilisé les assureurs et réassureurs et suscité une profonde restructuration de la branche, ainsi que l’intervention de l’État (couverture attentats). Les clients industriels, qui contestent la brutalité des hausses, réfléchissent à des moyens alternatifs de couverture des risques (auto-assurance, mutuelle interentreprises, solutions de marché).