APRES LE VIRAGE, TOUS A LA MAISON

19 décembre 2019 par
APRES LE VIRAGE, TOUS A LA MAISON
TACHON Raoul

Virage ambulatoire pour la chirurgie et la médecine, virage domiciliaire pour les personnes âgées, virage inclusif pour les personnes handicapées…

Tous les « virages » en cours dont les pouvoirs publics se font les promoteurs s’appuient sur le souhait légitime des usagers de rester dans leur milieu de vie habituel et d’éviter un séjour temporaire ou parfois définitif en institution. Qui a envie de passer une semaine à l’hôpital et trois semaines en SSR après une prothèse de hanche ? Qui ne préférerait pas finir sa vie chez soi plutôt qu’en EHPAD ? Et qui a envie de voir son enfant pris en charge dans un IME à 50 km plutôt que dans un service éducatif externalisé proche ?  
Cette désinstitutionnalisation généralisée, favorisée par le numérique, n’est pas totalement désintéressée : le virage ambulatoire s’accompagne de fermetures de lits massives en court séjour, les créations d’EHPAD sont quasiment gelées depuis 2010 et dans le handicap la création d’établissements est ralentie. La vice-présidente de l’UNAPEI relevait ainsi « avec la transformation de l’offre, les ARS sont extrêmement réticentes à l’extension ou à la création d’établissements, on nous explique que le développement de l’offre de répit, de l’habitat inclusif…pourra permettre aux MAS et aux FAM de libérer des places pour ceux qui ne peuvent pas mener une vie autonome » (Hospimedia, 23 octobre 2019)

Des conséquences lourdes sur les structures, leurs personnels et les aidants

L’aspect économique n’est jamais loin et le développement de l’ambulatoire est une des rubriques habituelles du plan annuel d’économies de l’assurance-maladie au chapitre « hôpital ». Un patient de chirurgie ambulatoire sorti le jour même coûte trois à quatre fois moins cher qu’un patient hospitalisé, tandis que la HAS pointe la défaillance des contacts à J+1 et J+3.  La création d’EHPAD engage des fonds de l’assurance-maladie tandis que les départements se débrouillent tant bien que mal avec l’aide à domicile, promue dans chaque discours mais totalement sous-financée sur le terrain. Enfin, les enquêtes de coûts, balbutiantes dans le secteur du handicap, montrent un écart très favorable pour les services au détriment des institutions. Le risque est de faire porter la charge de l’inclusion sur les aidants naturel.
Cette évolution a des conséquences lourdes sur les structures et leurs personnels : manque de lits d’aval qui participe à la saturation des urgences et à l’exaspération des équipes, dépersonnalisation de la relation avec le patient, alourdissement du niveau de dépendance des résidents en EHPAD et de la charge en travail afférente, prévalence de plus en plus importante du handicap psychique lourd dans les institutions du handicap, le tout sans moyens humains supplémentaires dans les établissements concernés. Elle se produit (ce n’est sans doute pas un hasard) au moment où l’on se prépare à voir entrer les classes d’âges nombreuses de l’immédiate après-guerre dans l’âge de la plus forte consommation de soins, qui précède parfois l’âge d’entrée en dépendance.
Economie pour les financeurs mais déport de charge sur l’entourage et les soignants, manque de lits et qualité de la prise en charge pas suffisamment évaluée, les virages mal négociés mènent parfois dans le mur…

Pour aller plus loin, consultez le catalogue de l’ensemble de nos publications sur le secteur sanitaire et médico-social.

APRES LE VIRAGE, TOUS A LA MAISON
TACHON Raoul 19 décembre 2019
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