Le rapport Aubert, remis fin janvier, préconise la mise en place de modes de paiement combinés, associant rémunérations à l’acte, incitations financières à la qualité, forfaits de suivi et par séquence de soins. Objectif : favoriser la coordination des équipes médico-soignantes et la prévention tout en garantissant la soutenabilité financière du système de santé.
La feuille de route élaborée par la task force « Réforme du financement du système de santé » est ambitieuse : il s’agit de réformer en profondeur l’ensemble des modes de financement des secteurs hospitaliers et ambulatoires, et ce d’ici 2022. Une réforme annoncée par Agnès Buzyn dès son arrivée au ministère de la Santé et qui s’inscrit plus concrètement dans le cadre de la stratégie de transformation du système de santé et du plan « Ma Santé 2022 ». Considéré comme un élément structurant des réformes programmées, le financement des dépenses de santé et plus particulièrement les rémunérations des acteurs de soins sont à l’aube d’une révolution sans précédent. Le paiement à l’acte et au séjour, aujourd’hui prépondérant au sein des principales structures de soins (87 % chez les médecins généralistes, 98 % chez les paramédicaux ou 77 % pour les activités MCO des hôpitaux), verra sa part diminuer au profit d’autres formes de rémunération forfaitaire, déjà existantes pour certaines ou en cours d’expérimentation.
Quatre types de forfaits vont être progressivement mis en place : le paiement au suivi (forfait de prise en charge des patients souffrant de maladies chroniques mettant l’accent sur la prévention et les résultats de santé obtenus), le paiement à la qualité et à la pertinence (incitations à réduire notamment le nombre d’hospitalisations et de ré-hospitalisations évitables), le paiement à la séquence de soins (paiement groupé de plusieurs professionnels de santé pour une séquence de soins définie, comme une intervention chirurgicale suivie d’une rééducation) et enfin, le paiement « pour la structuration du service » (dotation populationnelle, dotation pour les services d’urgence et de permanence des soins, etc).
L’un des premiers domaines où ces forfaits pourront s’appliquer est le diabète, maladie chronique qui touche 3,5 millions de Français. Dès 2019, un forfait sera créé au sein des établissements de santé pour rémunérer un nombre minimal d’actes (consultations avec un diabétologue, consultations d’éducation thérapeutique et de diététique). En médecine de ville, des forfaits de prise en charge au long cours seront mis en place pour les médecins généralistes et les infirmières libérales.
Ces différents modes de rémunération devront s’articuler avec le paiement à l’acte et au séjour. Un système d’une plus grande complexité donc, tant pour l’Assurance maladie que pour les équipes médico-soignantes. Sa mise en œuvre devra, par ailleurs, s’accompagner d’autres grandes réformes : nouvelle nomenclature des actes, adaptation des systèmes d’information et des logiciels des médecins, évolution des modes de régulation économique des dépenses de santé... Le rapport Aubert anticipe ainsi une quinzaine de chantiers à mener en parallèle entre 2019 et 2022 !
Les points clés à retenir
L'article 51 de la LFSS 2018 permet d'expérimenter de nouvelles formes d'organisation des soins avec, à la clé, de nouveaux modes de rémunération pour les professionnels de santé libéraux. Citons notamment l'expérience IEP qui propose de tester une incitation financière destinée aux structures de coordination des soins. Elle est calculée en fonction de l'atteinte d'objectifs en matière de qualité des prises en charge, d'expérience patient et de maîtrise des dépenses de santé pour une population donnée. Un cahier des charges est en cours d'élaboration avec 18 groupements d'acteurs de santé volontaires. Il sera mis en place au premier trimestre 2019 (source : rapport Aubert).
Les domaines thérapeutiques/situations considérés aujourd'hui comme prioritaires pour déployer ces rémunérations combinées : diabète, IRC, BPCO, maladies coronariennes, AVC, obésité morbide et prise en charge globale de la personne âgée.
Les chantiers envisagés d'ici 2022
- Forfaits pathologies chroniques : d'abord les forfaits IRC et "diabète hôpital", puis extension des forfaits à d'autres maladies
- Soins de ville : forfait diabète pour les médecins et les infirmières, déploiement des forfaits pour les assistants médicaux et extension au paiement à la qualité
- Réforme de la nomenclature des actes : révision CCAM, révision GHS médicaux et refonte ENC (étude nationale des coûts), puis négociation tarifaire
- SSR/HAD et paiement groupé : refonte de la nomenclature et définition du socle de financement des activités SSR et HAD, puis mise en oeuvre des réformes SSR et HAD et du paiement groupé à la séquence de soins ("bundled payment")
- Urgences : expérimentation du forfait "réorientation" (LFSS 2019) et travaux techniques sur le modèle de financement
- Psychiatrie : préparation et mise en place de la réforme
- Produits de santé (médicaments et DM) : indicateurs sur la pertinence des prescriptions et travaux spécifiques sur les médicaments onéreux à l'hôpital
Consulter le rapport de la Task Force "Réforme du financement du système de santé"