Les rapporteurs préconisent des ajustements locaux et des dispositions fiscales temporaires pour adapter l’organisation actuelle du réseau.
Annoncé par Manuel Valls lors de la Grande conférence de la Santé en février dernier, le rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et de l’Inspection générale des finances (IGF) sur la réorganisation du réseau officinal vient d’être rendu public(1). Force est de constater qu’il prend à rebours de nombreuses analyses communément admises parmi la profession, selon lesquelles la baisse du nombre d’officines depuis les années 2000 seraient imputables à une situation financière dégradée du réseau. Les auteurs du rapport dressent plusieurs constats. Le premier est que plus de 90 % des officines sont actuellement situées dans des zones en « surdensité officinale ». Contrairement à la médecine de ville, il n’existe donc pas de déserts pharmaceutiques dans la mesure où la quasi-totalité de la population française (97 % exactement) vit à moins de 10 minutes en voiture d’une pharmacie. L’IGAS rappelle, en outre, que les fondamentaux économiques de la profession demeurent solides, malgré le net ralentissement de sa croissance. La grande majorité des pharmacies présentent des structures financières saines : le taux de marge commerciale s’établit en moyenne à 28-29 %(2), en ligne avec l’ensemble du commerce de détail, et la marge brute continue de s’inscrire à un niveau élevé (31 % pour 2014) grâce aux accords de coopération commerciale signés avec les laboratoires pharmaceutiques. Quant au taux de rentabilité financière des fonds propres(3), il atteint près de 20 % pour les officines imposées à l’impôt sur les sociétés (IS) et dépasse les 30 % pour celles soumises à l’impôt sur le revenu (IR).
En conséquence, l’IGAS et l’IGF estiment que le pessimisme ambiant est « en grande partie surévalué ». Il n’est donc pas nécessaire de mettre en place une politique au niveau national pour adapter le maillage du réseau aux évolutions démographiques et à la réorganisation de l’offre de soins sur les territoires. Les auditeurs recommandent plutôt de doter les Agences régionales de santé (ARS) des outils ad’hoc leur permettant de traiter les situations au cas par cas, au niveau local. Et ce, dans une logique d’optimisation des soins de premiers recours afin de répondre aux besoins de la population. Sur le plan économique, ils reconnaissent, en revanche, que le repli de l’activité risque de perdurer, étant donné les mesures de régulation prises par les autorités de santé pour contenir les prix des médicaments remboursables. Ils préconisent donc que les officines se regroupent afin de constituer des points de vente plus importants, à même d’élargir leurs activités et leur offre de services. Pour ce faire, il serait notamment nécessaire d’assouplir les règles juridiques de transfert et d’aménager quelques dispositions fiscales (encourager les rachats-fermetures via une suppression temporaire des droits de mutation dans les zones sur-denses, autoriser l’amortissement sur cinq ans des dépenses de travaux induits par les regroupements...).
En synthèse, moins d’officines au niveau national mais mieux réparties sur les territoires, regroupées pour atteindre une taille critique suffisante et offrir un éventail de services plus large. Une vision qui contredit quelque peu les revendications des représentants ordinaux et syndicaux de la profession, lesquels appellent depuis des mois à un plan d’envergure pour sauver la pharmacie française...
(1) Le rapport « La régulation du réseau des pharmacies d’officine » peut être téléchargé sur le site de l’IGAS www.igas.gouv.fr (2) Sur la base d’une analyse financière menée à partir des liasses fiscales transmises par la Direction générale des finances publiques (DGFiP). (3) Capacité d’autofinancement / capitaux propres. Ce ratio mesure la rentabilité de l’investissement du titulaire dans son officine, en tant qu’entrepreneur ou associé de sa société.