Valwin a accompagné la transition numérique de nombreuses pharmacies pendant la crise sanitaire. Témoignage de sa présidente, Camille Freisz.
Après plusieurs années d’exercice officinal et une expérience en tant que chef de projet au sein du groupe Vidal, vous avez créé Valwin en 2013 avec vos deux associés Alexis Guéganno et Jonathan Winandy. Qu’est-ce qui vous a incité à vous lancer dans cette aventure entrepreneuriale ?
Camille Freisz : notre projet était de proposer une plate-forme de services numériques afin d’améliorer la coordination des soins, faciliter l’accompagnement des patients et rendre ces derniers plus autonomes dans la gestion de leur santé. C’est toujours notre cap, notre étoile du nord » en quelque sorte !
Vous avez démarré votre activité en vous adressant aux pharmaciens d’officine, au moment où les autorités de santé donnaient le départ des services pharmaceutiques conventionnés.
C.F. : pour nous, le pharmacien doit être au cœur de la coordination des soins et notre objectif est de l’accompagner dans la mutation de son métier. Nous avons investi en R&D pendant deux ans pour que le design, l’architecture et l’expérience utilisateur de notre plate-forme web soient complètement adaptés aux besoins des équipes officinales.
Où en êtes-vous aujourd’hui du développement de cette plate-forme ?
C.F. : nous avons décliné notre offre à deux niveaux. En 2016, nous avons lancé Valwin Pharma, à destination des officines qui ont besoin de solutions clés en main. En parallèle, nous avons adapté notre offre pour répondre aux attentes des groupements de pharmacies avec Valwin Group. Aujourd’hui ce sont 15 groupements qui nous font confiance pour leur stratégie numérique.
Justement, combien de pharmacies utilisent actuellement votre plate-forme ?
C.F. : nous comptons actuellement 600 pharmacies utilisatrices, adhérentes ou non à un groupement partenaire. Notre objectif est de doubler ce nombre en 2020 et 2021, pour passer dans deux ans à 2 400 pharmacies, soit un peu plus que 10 % du réseau officinal. Ce développement s’accompagne d’un renforcement de notre équipe, qui devrait passer de 30 à 40 collaborateurs d’ici la fin de l’année.
On sait que la transformation numérique de la pharmacie est un processus lent. Travailler avec des groupements vous permet-il d’accélérer le développement de vos activités ?
C.F. : c’est indéniablement un levier important qui permet d’aller plus vite dans le déploiement de nos solutions numériques. Nous travaillons aujourd’hui avec une quinzaine de groupements. Collaborer avec ces réseaux nous a aussi conduit à faire évoluer notre offre de solutions. L’expérience nous a instruit sur ce processus effectivement lent de la transformation numérique en pharmacie : le numérique n’est pas là pour remplacer le service pharmaceutique ou contourner l’intervention du pharmacien, mais il doit simplifier au maximum les tâches chronophages et à faible valeur ajoutée. Et ce afin de libérer du temps pour permettre aux équipes de se redéployer sur les missions à forte valeur. C’est un des axes clés de notre offre destinée aux groupements : nos solutions les aident à optimiser la gestion des opérations commerciales (merchandising, planification des opérations commerciales…) et le déploiement des services aux clients, avec des briques de services modulables.
Quels sont ces services ?
C.F. : nous en proposons une dizaine comme la création de site Internet, le scan&collect d’ordonnances, le click&collect, la messagerie sécurisée, la prise de rendez-vous en ligne, le dossier patient électronique, l’envoi de notifications par sms… Notre plate-forme permet aussi aux pharmaciens de personnaliser leur communication, par l’insertion de bandeaux sur leur site et la mise en ligne d’informations santé. Une « brique » de plus en plus demandée, étant donné le nombre des communications à diffuser depuis le début de la crise sanitaire.
Comment cette crise a-t-elle fait évoluer les usages du numérique en pharmacie ?
C.F. : la crise a très nettement accéléré la maturité numérique des pharmaciens. Une maturité croissante que nous appréhendions déjà avant le début de l’épidémie car la profession prend conscience des nouveaux usages liés au numérique. Les pharmaciens se rendent compte que le taux d’équipement en smartphones et ordinateurs est de plus en plus élevé, y compris parmi les populations les plus âgées ou celles habitant dans des zones rurales. Cette crise a révélé l’utilité de services comme le scan d’ordonnance, le click&collect ou la livraison à domicile. Par exemple le nombre d’ordonnances envoyé a été multiplié par 8, et le chiffre d’affaires générés par le click&collect a été multiplié par 26 ! Le nombre d’utilisateurs sur notre application a doublé pendant la crise sanitaire. En deux mois, de nombreux freins réglementaires, techniques et psychologiques sont tombés à la fois côté pharmacien et côté patient !
Comment Valwin s’est adapté au choc du confinement et à son impact sur l’activité des pharmacies ?
C.F. : nous nous sommes mobilisés pour leur faciliter l’adoption des solutions les mieux adaptées à la situation. Notre objectif a été de les aider à maintenir leur activité tout en réduisant le nombre de passages en pharmacie afin de limiter les risques de contamination. Nous avons ainsi rendu l’accès gratuit à notre solution de scan d’ordonnance. Nous avons par ailleurs accompagné ceux qui souhaitaient développer la vente en ligne de certains produits, comme les gels hydroalcooliques et les masques. Et nous avons aussi accompagné la gestion de crise de nos groupements partenaires, afin de les aider à communiquer et resserrer les liens avec leurs adhérents. Nous avons conçu avec eux des messages de prévention et d’information à destination des patients, mis en ligne sur leurs sites Internet. Les deux mois du confinement ont été très intenses, à la fois pour les pharmaciens, les groupements et nos équipes. Mais nous avons tous beaucoup appris et progressé dans nos pratiques respectives.
"Perte de chiffre d’affaires, stress, risque d’exposition à la maladie : cette crise a été un véritable ascenseur émotionnel pour les pharmaciens."
Les solutions numériques mises en place pendant la crise sanitaire sont-elles pérennes ?
C.F. : oui car ces solutions ont fait la démonstration, « en vie réelle », de leur utilité. Elles ont réussi leur « crash test », si l’on peut s’exprimer ainsi ! Les pharmaciens ont compris l’importance d’automatiser de nombreux process. Ce qui nous permet d’envisager le développement de nouvelles solutions, en particulier pour favoriser les coopérations interprofessionnelles (exemple : la messagerie sécurisée pour la transmission des ordonnances par les infirmières) et faciliter l’éducation thérapeutique des patients chroniques. Nous souhaitons aussi aider les groupements à fluidifier et affiner leur communication auprès de leurs adhérents.
Quelle est votre vision de la pharmacie d’officine à horizon 5 ans ?
C.F. : je l’imagine comme un concept store phygital capable de proposer des services personnalisés et de proximité. Le défi de la pharmacie est de réinventer le parcours client avant, pendant et après la visite en pharmacie, en définissant le bon équilibre entre le physique et le numérique. Cette évolution sera permise grâce à l’exploitation de plus en plus fine des données générées en pharmacie. Elle permettra de mieux cartographier les typologies de clientèle afin d’adapter les services, les offres de produits et les messages d’information. Certains pharmaciens ou groupements commencent à prendre ce virage. C’est ce qui nous encourage à poursuivre cette aventure et garder le cap que nous nous sommes fixés il y a 7 ans.
L'équipe de Valwin
Fiche d’identité de Valwin
Création : 2013
Siège social localisé à Nantes (44)
Principaux actionnaires : Camille Freisz, Jonathan Winandy, Alexis Gueganno et PE Investissement
Effectif mi-2020 : 30 collaborateurs
Nombre de pharmacies clientes : 600 mi-2020 ; objectif de 1 200 d’ici fin 2020
Nombre de groupements/enseignes partenaires : 15