Composé extrait de la plante de cannabis, le cannabidiol (ou CBD) est une substance non psychoactive dont la production et la commercialisation sont autorisées par l’Union européenne. Consommé sous forme de fleurs à infuser ou à fumer (dès lors qu’elles comportent moins de 0,2 % de tétrahydrocannabinol ou THC), huiles, capsules, cosmétiques, aliments ou boissons, le CBD séduit une clientèle de plus en plus importante, attirée par les propriétés apaisantes et antalgiques de produits naturels issus de la culture du chanvre. Que ce soit pour lutter contre l’anxiété, atténuer des douleurs ou mieux dormir, l’usage du CBD se développe auprès de populations diverses : seniors atteints de maladies chroniques, actifs ou adolescents cherchant à réduire leur niveau de stress, consommateurs de cannabis utilisant les fleurs pour se sevrer… Selon une enquête réalisée en juin 2021 par Bilendi et Les Échos Études, 53 % des Français interrogés ont déjà entendu parler du CBD et 15 % en ont déjà consommé au moins une fois. Près de 70 % de ceux qui en ont fait l’expérience jugent ces produits plutôt efficaces voire très efficaces. En réponse à cette demande, les sites internet et les boutiques spécialisées (environ 670 mi-2021, selon Mediency Publishing) se multiplient, tandis que la grande distribution commence à s’intéresser à ce nouveau marché, à l’instar de Monoprix qui référence les marques Kaya® (compléments alimentaires) et Peace and Skin® (cosmétiques) de la jeune société Rainbow, ou Carrefour qui commercialise plusieurs produits comme l’huile Eutra® ou la boisson Chilled®.
Évolution en cours du cadre règlementaire
Suite à l’arrêt rendu en novembre dernier par la Cour de justice de l’Union européenne, le processus de légalisation du CBD s’accélère depuis quelques mois. Rappelons que les juges européens considèrent que la France ne peut interdire l’importation et la commercialisation de produits à base de CBD dès lors que ceux-ci sont cultivés et transformés légalement dans un autre pays membre de l’Union. Un arrêt confirmé en juin dernier par la Cour de cassation (arrêt n° 810° du 23 juin 2021) et que les autorités françaises viennent d’avaliser par un projet d'arrêté rendu public et notifié à la Commission européenne le 20 juillet. La nouvelle règlementation française devrait donc légaliser la vente des produits finis à base de CBD ainsi que la production de toutes les parties de la plante de chanvre (y compris les fleurs) à des fins de production industrielle des cannabidoïdes non psychotropes. En revanche, les fleurs et les feuilles non transformées devraient être interdites à la vente au détail. Si elle est confirmée, cette dernière disposition devrait fragiliser les sites de e-commerce et les boutiques spécialisées, qui réalisent en moyenne 60 voire 70 % de leur chiffre d’affaires grâce aux fleurs et aux feuilles. Cette interdiction divise d’ailleurs la profession. Le syndicat du chanvre, qui s’y oppose, a d’ores et déjà prévu plusieurs recours, considérant que l’interdiction de commercialiser les fleurs et les feuilles brutes est en contradiction avec l’arrêt européen de novembre 2020.
La perspective d’une filière 100 % française
Cette clarification règlementaire revêt de nombreux enjeux. Outre les retombées commerciales attendues pour les distributeurs de détail, elle ouvre la voie à la création d’une filière nationale, intégrant agriculteurs, transformateurs, laboratoires d’analyses, grossistes et détaillants. Des centaines d’entreprises qui représentent plusieurs dizaines de milliers d’emplois. La France est le premier pays européen producteur de chanvre industriel avec 6 chanvrières, plus de 1 400 producteurs et 20 000 hectares de surface cultivée. L’ouverture du marché du CBD offre aussi des perspectives à certains agriculteurs en quête de relais de croissance. C’est le cas dans la Creuse par exemple, où des exploitations se sont d’ores et déjà diversifiées afin de répondre à la demande de cannabidoïdes à usage thérapeutique et bien-être. Les produits cultivés, transformés et labellisés en France pourraient ainsi séduire et rassurer plus de consommateurs : selon l’enquête Bilendi & Les Échos Études, 48 % des Français interrogés auraient plus confiance dans les produits à base de CBD s’ils étaient issus d’une filière 100 % française.