Le président du groupement Pharmadom et de l’enseigne Well & Well défend une approche résolument « disruptive » de la pharmacie. Interview.
Il existe actuellement au moins une cinquantaine de groupements et une dizaine d’enseignes de pharmacies. Pourquoi avoir créé il y a trois ans Well & Well ?
Didier Maarek : Nous avons décidé de lancer notre enseigne deux ans après avoir créée la coopérative Pharmadom, notre centrale de référencement et d’achat. Les centrales sont absolument nécessaires à la gestion des officines, mais elles ne sont aujourd’hui plus suffisantes pour faire face aux évolutions actuelles de notre exercice. Les pressions qui pèsent sur l’économie du médicament, la remise en question du monopole et du capital des officines, le risque d’ubérisation de la santé... comment peut-on imaginer que les pharmaciens pourront y faire face sans qu’ils soient organisés au sein de réseaux puissants et capables de se différencier de la concurrence. Les pharmaciens ne peuvent pas être des box pusher. C’est-à-dire que la dispensation d’un médicament doit s’accompagner d’un service associé qui valorise l’expertise du pharmacien. C’est la seule manière pour nous de justifier notre monopole de compétence et d’exercice. Sans ce service rendu au patient, nous restons des distributeurs. Et demain, le métier de la distribution pharmaceutique pourra être fait par d’autres que nous (la GMS, des e-commerçants, des logisticiens...), et ce à un coût moindre pour la collectivité.
En quoi l’enseigne permet-elle d’accompagner les pharmaciens dans cette transition ?
D.M. : Contrairement à une centrale de référencement et/ou d’achat, l’enseigne est tournée vers le patient/client/consommateur. Pour exister, elle doit incarner un concept différenciant et reposer sur une marque forte. C’est le concept ou la promesse client qui permet de capter et de fidéliser la clientèle, et de créer une préférence à la marque. C’est sur ce principe de base que nous avons créé Well & Well.
Comment votre enseigne applique-t-elle ce principe ?
D.M. : Dès le départ, en 2010, nous avons décliné le nom de l’enseigne en une marque propre. Notre MDD, Well & Well®, constitue le meilleur vecteur de communication et de fidélisation à l’enseigne. Elle réunit aujourd’hui plusieurs gammes fabriquées en France : des produits d’hygiène, des compléments alimentaires, des produits de micronutrition et d’aromathérapie, ainsi que des dispositifs médicaux en MAD. Notre objectif est que les pharmaciens s’approprient leur marque et la défendent au mieux. Et que les clients reviennent à l’officine parce qu’ils sont fidèles à cette marque exclusive. Deuxième axe : la digitalisation de l’enseigne et des points de vente. Nous avons créé un site de vente en ligne et un blog de conseils (wellandwell-leblog.fr/) ; nous sommes aussi présents sur les réseaux sociaux (nous avons multiplié par dix notre fréquentation) et travaillons actuellement à des supports digitaux d’accompagnement des patients. Et enfin troisième axe : la formation et la montée en compétences des équipes officinales, que nous accompagnons dans le développement de nouvelles expertises en marketing officinal, conseil à la vente et merchandising digital. Nous avons créé une école interne qui organise des formations et des séminaires qui éclairent les adhérents sur les transformations de la société, l’ubérisation des métiers, les stratégies des marques, les conséquences du post-modernisme...
Les codes de la marque Well & Well ne reprennent pas ceux de l’officine traditionnelle. Pourquoi ?
D.M. : Nous avons volontairement cassé les codes et abandonné l’association de couleurs vert et blanc. Nous avons fait appel à l’agence de design Carré Noir (division de Publicis, NDLR) pour créer un univers différent et un marketing coloré, autour des notions de bien-être et la naturalité.
Comment abordez-vous le virage digital ?
D.M. : A deux niveaux. Par le site de vente en ligne, le blog, les réseaux sociaux d’une part. Et par la digitalisation du point de vente d’autre part. Notre concept de merchandising digital sera lancé au 2e semestre 2016. Son déploiement dans les officines sera en partie sponsorisé et financé par des entreprises partenaires et des marques. La digitalisation doit se faire de manière progressive, car seulement 20 % des pharmaciens d’officine sont prêts à basculer dans le digital. Un gros travail de pédagogie et de formation reste à faire.
Envisagez-vous de commercialiser des objets connectés santé ?
D.M. : Oui, mais pas à court terme, car le marché manque de maturité, tant du côté de la demande que de l’offre des produits qui restent encore à améliorer sur le plan technique. En nous devons atteindre une certaine taille critique avant de nous diversifier sur ce type de dispositifs afin d’être compétitifs face à la concurrence.
Justement, trois ans après sa création, quel nombre d’adhérents visez-vous ?
D.M. : Fin 2015, nous fédérons une soixantaine de pharmacies, localisées en région parisienne, dans le grand Est, ainsi que dans l’Ouest de la France. Notre ambition est d’étendre notre réseau : l’objectif est de doubler la taille du réseau d’ici fin 2016. Mais nous souhaitons le faire progressivement, en veillant à ce que nos adhérents soient complètement alignés avec la stratégie de l’enseigne. C’est la raison pour laquelle nous n’avons pas défini de critères stricts d’adhésion, en termes de CA, de localisation ou de zone de chalandise... Nous recrutons d’abord des titulaires ayant un profil d’entrepreneur, qui partagent le même projet d’entreprise et la même vision de la marque que nous. Pour assoir notre développement, nous n’excluons pas de nous rapprocher de groupements régionaux qui n’ont pas de politique d’enseigne, afin d’étendre notre implantation géographique.
Comment imaginez-vous la pharmacie de demain ?
D.M. : Notre avenir passe par l’offre de services à valeur ajoutée et l’accompagnement des patients. Et par le développement de marques fortes qui nous appartiennent. C’est pourquoi je crois fermement que l’enseigne est l’avenir de la pharmacie et la condition de sa pérennité. Ceci implique évidemment, de la part des pharmaciens, une évolution des mentalités et une approche plus intégrée des réseaux. Ils doivent accepter et apprendre à mieux se fédérer. C’est le frein actuel majeur et l’enjeu clé de demain. Mais j’ai confiance car la nouvelle génération de pharmaciens est prête à changer de modèle.
Propos recueillis par Hélène Charrondière.