La prédominance de La Poste et du Crédit Agricole masque la forte intensité concurrentielle liée à la présence de sept autres réseaux significatifs

12 juillet 2002 par
La prédominance de La Poste et du Crédit Agricole masque la forte intensité concurrentielle liée à la présence de sept autres réseaux significatifs
Les Echos Etudes

La stabilité du nombre d’agences total du secteur bancaire français depuis 10 ans et le gel des effectifs témoignent de l’inertie des évolutions du secteur comme l'indique notre étude de marché. Cette situation contraste avec la plupart des autres pays européens (Allemagne, Royaume-Uni, Scandinavie…), qui ont vu le nombre de leurs agences diminuer au cours des années récentes sous l’effet :
• de la consolidation bancaire domestique ou de positions dominantes avérées (Royaume-Uni) ;
• des crises bancaires (Scandinavie) ;
• de la montée en puissance de la banque à distance (Scandinavie).
La France (aux côtés de l’Allemagne) peut donc être considérée comme une exception en Europe. L’ensemble des réseaux d’agences des huit premiers groupes, exception faite de La Poste, représenterait structurellement 98 % du réseau total (hors La Poste) des agences enregistrées en France. Le nombre total d’agences bancaires en France a augmenté de + 1,1 % au cours de la période 1996-2001, soit environ 280 guichets nets supplémentaires en cinq ans. Les réseaux ont tendance à se stabiliser en nombre, les restructurations étant essentiellement logistiques : les groupes se relocalisent plutôt que d’étendre leur réseau.
En dépit d’une baisse importante de son nombre d’agences au cours des dernières années, le Crédit Agricole dispose du réseau le plus important en France (hors La Poste), avec environ 28 % des agences bancaires du pays. Cet établissement compte un nombre important de caisses régionales, qui disposent de l’autonomie en matière d’extension de leur réseau. Aussi, le groupe a progressivement densifié son réseau d’agences en France, en s’établissant dernièrement dans les métropoles (Paris).
A l’exception du Crédit Agricole et des Caisses d’Epargne, tous les autres réseaux sont comparables en parts de guichets (le Crédit Mutuel et le CIC se concurrençant dans les faits sur certaines régions en banque de détail), ce qui peut contribuer à expliquer l’intensité concurrentielle en France. Les parts de « guichet » ne sont pas forcément corrélées aux parts de marché, même si les plus grands réseaux sont aussi les groupes ayant les plus importantes parts de marché en France. Si le Crédit Agricole cumule une position de leader sur les deux critères, BNP Paribas est second sur ce critère avec le sixième réseau seulement. Il faut toutefois relativiser le critère des actifs domestiques, trompeur en banque de détail, car pouvant refléter le poids des immobilisations financières (titres de participations) ou du portefeuille de titres. Une mesure des parts de marché par les dépôts à vue permet d’observer une corrélation entre parts de guichet et parts de marché. Le cumul des parts de marché des grandes banques françaises excède 100 %, ce qui illustre la multibancarisation de la clientèle. Les mouvements de parts de marché sont inertiels, à l’image du nombre de guichets bancaires. Toutefois, un gain ou une perte de 1 % de parts de marché peut être considéré comme significatif en termes commerciaux. On observe ainsi une érosion des parts de marché du Crédit Agricole (– 2,2 points, ce qui est considérable), de La Poste et de BNP Paribas, au profit notamment des Caisses d’Epargne et du groupe
Crédit Mutuel-CIC (à iso-périmètre). BNP Paribas, second en termes de parts de marché sur les actifs domestiques, est ici à la cinquième place en nombre de clients. Les jeunes, comme les autres tranches d’âges, sont multibancarisés puisque le total des huit premiers établissements dépasse de 35 % la population des jeunes âgés de 18 à 24 ans. La Caisse d’Epargne est leader en termes de pénétration auprès de la clientèle des 18-24 ans avec 39 % de cette tranche d’âge (ce qui peut toutefois refléter la part prépondérante des Livrets A dans les comptes). Les jeunes de 18 à 24 ans sont une clientèle privilégiée par les banques. Le Crédit Mutuel, la Société Générale et le Crédit Lyonnais ont fortement ciblé ce segment de clientèle, ce qui explique l’équilibre entre leur taux de pénétration sur l’ensemble de la population et sur les jeunes. En revanche, le Crédit Agricole cherche à développer sa présence auprès de toutes les tranches d’âges, ce qui se traduit par un différentiel de pénétration. La Poste fait face à un problème générationnel, puisqu’elle parvient à conquérir des jeunes, mais les voit ensuite partir dès leur installation dans la vie active (gamme
incomplète de produits bancaires). Toutefois, la clientèle des jeunes dans ces deux derniers réseaux représente 25 % de la population de cette tranche d’âge. La répartition des grands réseaux bancaires est particulièrement hétérogène sur le territoire, le Crédit Agricole ayant le réseau le plus homogène (hors réseau de La Poste). 

Plusieurs enseignements peuvent être tirés :
• l’Ile-de-France est la région française où les agences bancaires sont les plus nombreuses (12,5 % du total), ce qui s’explique par l’importance de sa population
(18 % de la population française), de ses revenus (premier P.I.B. du pays) et de l’importance de sa population de cadres et d’entreprises. Cette région est dominée par
les banques commerciales, qui représentent 64 % des guichets et sont majoritaires partout, à l’exception de la Seine et Marne, plus rurale. Le Crédit Lyonnais est la
banque qui dispose du plus grand nombre de guichets dans la région avec 688 agences, suivi par BNP Paribas (625 agences) et la Société Générale (623 guichets).
Ces chiffres, établis pour l’année 1999, ne reflètent pas la montée en puissance récente des mutualistes (et notamment du Crédit Agricole) sur la zone, qui présente une
dynamique concurrentielle spécifique par rapport au marché français dans son ensemble ;
• quatre régions enregistrent individuellement plus de 5 % des agences (hors Ile-de-France). Il s’agit des régions dont les capitales sont les plus dynamiques et/ou qui
bénéficient des meilleurs soldes démographiques et d’une importante concentration de patrimoines privés : Rhône-Alpes (Lyon), Pays-de-la-Loire (Nantes), PACA (Marseille-Nice) et Bretagne (Rennes). Selon le dernier recensement de l’INSEE, ces régions sont de plus en plus dynamiques au plan démographique comme au plan économique. Une part croissante de la population migre vers ces villes, en particulier vers Nantes et Rennes, qui ont enregistré une croissance du nombre d’emplois de + 30 à + 40 % entre 1990 et 1999. La majorité des agences dans ces régions est représentée par les banques mutualistes, qui ont un maillage en Province assez dense (entre 65 % et 85 % des agences dans ces régions). Le Crédit Mutuel est très représenté en Bretagne et dans les Pays-de-la-Loire, et contribue à augmenter fortement la densité d’agences dans ces régions. Certaines de ces régions sont touristiques et sont donc couvertes par des agences saisonnières ;
• huit régions sont peu représentées en termes d’agences. Ce sont les régions les moins dynamiques et les moins peuplées, telles que l’Auvergne ou le Limousin. La Corse
enregistre le plus faible taux d’agences bancaires avec moins de 1 % du total. Ces régions sont très rurales, ne disposent pas d’exploitations générant d’importants
patrimoines (comme les fortunes viticoles ou de la Beauce) et ne contribuent pas à la croissance démographique et économique du pays ;
• le Crédit Agricole est largement représenté sur le territoire français puisque le nombre d’agences de cet établissement est majoritaire dans 15 régions sur 22. Le Crédit
Mutuel est très bien représenté dans l’Est (Alsace et Lorraine) et l’Ouest de la France (en particulier dans les Pays-de-la-Loire). La Caisse d’Epargne est majoritaire dans le
Nord-Pas-de-Calais et la Haute-Normandie. Enfin, l’Ile-de-France et la Corse sont les seules zones en France à être peuplées en majorité par des banques commerciales,
malgré une présence significative des Banques Populaires en Corse (mais la base est faible : 101 agences au total sur toute l’île).

La prédominance de La Poste et du Crédit Agricole masque la forte intensité concurrentielle liée à la présence de sept autres réseaux significatifs
Les Echos Etudes 12 juillet 2002
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