La création de LaboFrance : une étape majeure dans la consolidation du secteur de la biologie

21 avril 2016 par
La création de LaboFrance : une étape majeure dans la consolidation du secteur de la biologie
LES ECHOS ETUDES

Richard Fabre, gérant du LABM Bio-Pôle et président de Labster, défend la constitution de réseaux intégrés de laboratoires indépendants. Interview.

Les biologistes libéraux sont prêts à relever les défis de la biologie médicale de demain 

Comment est né le réseau Labster ?

Labster est un réseau sous enseigne de laboratoires de biologie médicale, créé en 2009 à l’initiative de quatre biologistes libéraux. Nous avons souhaité, dès l’origine, proposer une alternative aux groupes capitalistiques qui se sont constitués à partir du milieu des années 2000. Aujourd’hui, 17 laboratoires, qui représentent quelque 200 sites, sont actionnaires de Labster. L’enseigne leur propose toute une palette de services pour les aider à développer leurs activités : centrale d’achat, site Internet clé en main, diffusion de la newsletter LabInfo, accompagnement dans la démarche d’accréditation, développement d’outils digitaux...

Vous présentez Labster comme une enseigne, ce qui, dans le secteur de la biologie médicale, est une approche novatrice. En quoi l’enseigne peut-elle être un axe de différenciation ?

Il est vrai que la majorité des biologistes libéraux est encore peu familiarisée avec la notion d’enseigne et que celle-ci est parfois mal comprise. Les biologistes libéraux, quelle que soit leur organisation, détiennent aujourd’hui 70 à 80 % du marché de la biologie. Mais qui les connaît ? Nous devons faire face à l’offensive des groupes financiers et gagner en visibilité auprès des autorités de tutelle et des organismes payeurs. De plus, nous devons nouer des partenariats avec des groupes de cliniques privées,  des industriels, des groupes d’EHPAD... Il est donc nécessaire que nous nous dotions d’une identité de marque. Notre modèle de développement est celui du commerce associé, mode d’organisation qui a fait ses preuves dans des secteurs très concurrentiels et/ou complétement dérégulés. C’est pourquoi nous sommes chez Labster convaincus que l’enseigne va progressivement s’imposer parmi les biologistes libéraux. J’ajouterais toutefois que ce n’est pas l’enseigne en tant que telle qui créé la différenciation, mais les services et les outils de communication qu’elle propose.

Vous venez d’annoncer la création de LaboFrance, issue du regroupement de Labster et des laboratoires BPR et LaboSud. Quel est l’objectif de ce nouveau réseau ?

Nous travaillons depuis deux ans à ce réseau de laboratoires indépendants de biologie médicale au service d'un projet médical partagé pour une qualité prescripteur et patient renforcée. LaboFrance va mutualiser des compétences complémentaires - l’enseigne avec Labster et la biologie spécialisée avec BPR - et des valeurs communes partagées. Ces trois composantes représentent, selon moi, l’avenir de la profession de biologiste. Leur réunion va nous permettre d’atteindre une taille critique, avec un chiffre d’affaires cumulé de l’ordre de 1 milliard d'euros, soit 25 % de part de marché au niveau national. 

En quoi ce modèle est-il adapté au nouveau modèle économique de la biologie libérale ?

Cette nouvelle structure répond selon nous aux enjeux à la fois économiques et stratégiques de la profession. Au travers de l'Association des Entreprises de Biologie Médicale que je préside ou du SDB, Nous sommes engagés depuis plusieurs années dans plusieurs batailles juridiques avec certains groupes capitalistiques. Le recours que nous avons engagé auprès du Conseil d’Etat contre le rachat de Biomnis par Eurofins, et les différents procès en cours témoignent de notre volonté de défendre le caractère libéral de la biologie médicale. Mais en attendant que la justice ait tranché, probablement d’ici la fin de l’année, nous devons continuer à adapter nos organisations. La création de Labo France repose sur les trois fondamentaux de notre métier : la proximité de nos sites locaux de prélèvement, la concentration des analyses sur un plateau technique qui nous appartient, et enfin le développement de services à valeur ajoutée pour les patients, les prescripteurs et les préleveurs (ndlr : les infirmières à domicile et certains médecins).

La concentration du secteur de la biologie médicale est-elle selon vous inéluctable ?

Tout dépend du niveau auquel s’opère cette concentration. Elle ne l’est pas en termes capitalistiques, mais en termes de mutualisation des moyens au service du patient et de l’innovation. Les plateaux techniques et le back office se concentrent car il est nécessaire de les mutualiser pour rester compétitif dans un contexte budgétaire contraint. Mais le maillage territorial des sites de prélèvement doit être préservé car c’est la grande force du réseau. Quelque 500 000 personnes passent chaque jour dans nos laboratoires. J’observe d’ailleurs que le nombre de sites locaux n’a que faiblement évolué au cours de ces vingt dernières années. On ne peut donc pas parler, pour les laboratoires de biologie médicale, de désertification des territoires, comme c’est le cas pour les cabinets médicaux. Il nous faut maintenir ce service de proximité, à un coût compétitif, car c’est là que se joue véritablement la concurrence entre laboratoires. N’oublions pas que la collecte des prélèvements représente environ 60 % de nos coûts, contre 25 % pour l’analyse des résultats. Celui qui maîtrise la collecte des prélèvements maîtrise la chaîne de valeur du secteur.

En tant que vice- président du Syndicat des Biologistes, vous contribuez aussi aux négociations avec l’Assurance maladie. Comment va évoluer la régulation économique du secteur ?

Nous avons réussi à lui donner une visibilité économique grâce à l’accord-cadre signé en 2013 avec l’Assurance maladie. La profession contribue directement à la maîtrise des volumes de prescriptions, par les recommandations interprofessionnelles de bonnes pratiques. A titre d’exemple, nous avons directement contribué à réduire de 42 % en un an les prescriptions de dosage de la vitamine D, ce qui représente une économie de l’ordre de 70 millions d’euros. Nous travaillons actuellement à faire évoluer le protocole de 2013, à travers l’évolution de la nomenclature des actes. Mais au-delà des négociations tarifaires et des évolutions de la nomenclature, tout l’enjeu pour nous est de faire comprendre aux autorités de santé que nos laboratoires sont des entreprises qui font vivre en moyenne 8 à 10 salariés par biologistes diplômés. C’est là une dimension importante de mon engagement.

Comment imaginez-vous la biologie médicale de demain ?

Quelle que soit l’issue des différentes procédures juridiques actuellement engagées, je crois en la pérennité du modèle libéral de la biologie médicale. Au cours de ces dernières années, nous avons démontré notre grande capacité d’adaptation. En développant une enseigne et en créant de nouveaux réseaux et des laboratoires multi-sites. Le secteur va se structurer autour de deux grands modèles, celui des groupes capitalistes et le nôtre, celui du « libéral associé ». L’expression n’existe pas, mais je trouve qu’elle résume assez bien la vision que j’ai de la biologie de demain !

Propos recueillis par Hélène Charrondière le 23 février 2016

Source : L'essentiel de la santé, Les Echos Publishing

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