L’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) et la Direction générale de la Santé (DGS) ont partagé, fin novembre, un premier point d’étape de l’expérimentation du cannabis thérapeutique dans notre pays. Malgré le contexte épidémique qui ralentit sa montée en charge, le recrutement des patients et des centres expérimentateurs se poursuit. Sur les 1 000 patients d’ores et déjà inclus, près de 780 sont effectivement suivis par les structures de référence, certains patients ayant dû quitter l’expérimentation en raison d’effets indésirables ou d’efficacité insuffisante des traitements. Sur les 1 035 professionnels de santé ayant suivi et validé la formation obligatoire préalable à leur participation, la majorité (735) exercent dans les centres expérimentateurs dits de référence, principalement situés en Île-de-France et dans la région Auvergne-Rhône-Alpes. Les autres sont des pharmaciens d’officine (212) et des médecins généralistes (48).
Rappelons que l’expérimentation prévoit de tester l’utilité et l’efficacité du cannabis thérapeutique dans 5 indications : les douleurs neuropathiques réfractaires (objectif : 750 patients), certaines formes d’épilepsies sévères et résistantes (500 patients), certains symptômes rebelles en oncologie (500 patients), certaines situations palliatives (500 patients) ainsi que la spasticité douloureuse de la SEP ou d’autres pathologies du SNC (750 patients).
Une expérimentation sur deux ans
Pilotée conjointement par la DGS et l’ANSM, l’expérimentation a pour objectif premier de valider les circuits de prescription et de dispensation des traitements à base de cannabis. Car de nombreuses questions restent en suspens. Quel sera le statut du cannabis en vue de son remboursement par l’Assurance maladie et à quels niveaux de prix ces traitements pourront-ils être commercialisés ? Si l’on se réfère à certains pays étrangers, les prix pourraient s’avérer relativement élevés. À titre d’exemple, Sativex® (nabiximols, mélange de THC et de CBD) est commercialisé en moyenne entre 400 et 450 € selon les pays européens. Quelles seront les modalité de fixation des prix pour les sommités florales ? Auront-elles le statut de dispositif médical ou bénéficieront-elles d’un statut spécifique ? Quels circuits de distribution seront habilités à les dispenser ? L’auto-culture de cannabis à usage médical sera-t-elle autorisée, comme c’est le cas au Canada ? Autant d’interrogations auxquelles cette expérimentation devra apporter, en 2023, des éléments de réponse.
Des enjeux juridiques et industriels
Mais cette expérimentation ne revêt pas que des enjeux médicaux et médico-économiques. Elle doit aussi permettre de passer d’un marché noir à un marché régulé et accompagner le développement d’une filière française du cannabis médical. Sa production est toujours interdite en France, ce qui oblige les autorités à importer les produits prescrits aux patients (des binômes ont ainsi été formés pour associer des fournisseurs étrangers et des laboratoires distributeurs implantés sur le marché français). L’ANSM a, d’ores et déjà, commencé à travailler sur ce sujet. En août dernier, elle a annoncé la création d’un « comité scientifique temporaire », consacré à la mise en place d’une filière française. Constitué d’experts et de représentants de plusieurs ministères (Santé, Intérieur, Agriculture, Économie), de l’Inra (Institut national de recherche pour l’agriculture) et du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens, il devra rendre, d’ici la fin de l’année, un avis sur les teneurs en THC et CBD, ainsi que sur les variétés de plantes qui seront autorisées. Il devra aussi se prononcer sur les modalités de traçabilité, les contrôles et les critères de qualité pharmaceutique.
Pour aller plus loin, découvrez notre étude sur les marchés du CBD et du cannabis médical.