Crédit photo : Gaston Bergeret
Quel a été votre parcours avant de vous lancer dans l’aventure Otoqi ?
Sébastien de Limon : j’ai démarré ma carrière d’ingénieur chez Air Liquide. J’ai travaillé un peu partout dans le monde, notamment aux États-Unis. Puis, au bout de quelques années, je me suis retrouvé à la direction générale à Paris en charge de la gestion de clients Grands Comptes dans le secteur pétrolier.
Et là, alors que j’étais habitué à utiliser quotidiennement une voiture, j’ai vite compris qu’à Paris, surtout quand on n’a pas de parking, aller travailler avec pouvait rapidement virer au cauchemar. Je crois avoir visité plusieurs fois chacune des fourrières parisiennes pour y chercher ma voiture. Je devais donc résoudre ce problème ou accepter de perdre 3 heures dans les transports en commun, chaque jour. C’est à ce moment-là que j’ai commencé à réfléchir à un business model autour de cette problématique avec une première idée de services : amener les voitures de nos futurs clients passer leur entretien dans des garages. Nous étions en 2016.
Le démarrage a été rapide ?
S. de L. : Peugeot, chez qui j’avais des contacts, a été notre premier client, ce qui nous a simplifié un premier tour de table de 400 000 €. Confiants, mon associé et moi nous sommes lancés la fleur au fusil, sans connaître le secteur et sans avoir bien validé nos solutions. Le début a donc été difficile. Au bout de 3 mois, nous n’avions déplacé que 2 voitures et réalisé 100 € de chiffre d’affaires ! En fait, notre modèle marketing et commercial n’était pas très au point. Nous n’avions pas compris qu’en France en tout cas, la plupart des gens préfèrent perdre 2 heures pour aller au garage une fois par an plutôt que de dépenser 70 € pour charger une entreprise de le faire à leur place. Mais on s’est accroché et, très progressivement, nous sommes parvenus à atteindre 1 M€ de chiffre d’affaires. Puis, fin 2019, nous avons décroché un premier contrat avec Renault pour gérer des opérations d’autopartage. Ça nous a permis de grandir, mais aussi de voir d’autres facettes du métier de la logistique automobile et de passer un cap en termes de rentabilité. Début 2021, nous avons levé 4 M€ grâce auxquels nous avons pris place en Italie et en Allemagne, deux pays dans lesquels l’autopartage est très développé.
Quelle est l’offre d’Otoqi aujourd’hui ?
S. de L. : notre service de base est d’amener des voitures d’un point A à un point B. Dans ce cadre, nous proposons des services de gestion de flotte, en particulier dans l’autopartage. Cela revient, pour le compte de notre client, à remettre ses véhicules au bon endroit, à les recharger ou à les emmener au garage en cas de panne ou pour leur entretien périodique.
Pour offrir un bon niveau de prestation, nous avons développé des outils logiciels interfaçables avec les systèmes informatiques de nos clients. Concrètement, dès qu’une voiture doit être déplacée, la mission est automatiquement transmise à notre réseau de chauffeurs via notre application, ce qui garantit qu’elle sera rapidement exécutée.
Quels autres services proposez-vous ?
S. de L. : nous intervenons également dans la logistique classique et, plus particulièrement, la livraison « derniers kilomètres ». Nous convoyons des voitures sur des trajets qui vont de quelques kilomètres à plusieurs centaines de kilomètres. Nous intervenons dans les 24 heures. Nos clients sont des loueurs courte et longue durées, mais aussi des sites de vente en ligne de voitures et des concessionnaires traditionnels qui, de plus en plus, adoptent un mode de distribution dématérialisé. Cette activité représente désormais plus de la moitié de notre chiffre d’affaires. Elle est en pleine croissance, notamment parce qu’elle constitue une réponse au manque de chauffeurs routiers auquel toute l’Europe doit faire face depuis plusieurs années. Une carence de chauffeurs qui entraîne une hausse des prix et un allongement des délais de livraison des voitures par camions.
Combien de chauffeurs travaillent pour vous ?
S. de L. : aujourd’hui, plus ou moins 1 500 chauffeurs travaillent tous les mois pour notre plate-forme. On essaie d’avoir un pool qui ne soit pas trop important afin de les fidéliser. Quand nous avons commencé, la plupart d’entre eux exerçaient une activité professionnelle régulière dans des entreprises comme La Poste ou la RATP et ne travaillaient pour nous que pendant leurs jours de repos. Désormais, un grand nombre d’entre eux ne travaillent plus que pour des plates-formes comme la nôtre. À l’image de ce qui s’est passé avec les chauffeurs de VTC, nos chauffeurs se sont, en quelques années, professionnalisés.
Où en êtes-vous aujourd’hui ?
S. de L. : maintenant que notre modèle économique est bien calé, notre croissance s’est considérablement accélérée. Sur ces 5 dernières années, notre chiffre d’affaires a plus ou moins augmenté de 80 % par an. Et nous prévoyons de dépasser les 20 M€ de CA cette année. En outre, nos trois filiales sont rentables, ce qui est très important.
Notre principal défi est de parvenir à transformer notre PME en un groupe sans gripper ou briser la mécanique qui a fait notre succès. On ne gère pas une structure de 10 collaborateurs comme une entreprise de 80 employés présents dans 5 pays différents. Il nous faut désormais intégrer des fonctions classiques de contrôle de gestion, de RH, donc des processus rigides dans un environnement de start-up jusque-là régi par la fluidité et l’agilité. C’est un véritable défi humain que nous sommes en train de relever. C’est indispensable, car d’ici 4 ans, nous projetons de dépasser les 100 M€ de chiffre d’affaires et d’être présents en France, en Allemagne, en Italie et en Angleterre.
Fiche d’identité
Dénomination : Otoqi
Activité : transport de véhicules
Création : 2016
Effectif : 80 personnes sur 5 pays
Web : www.otoqi.com
Copyright : Les Echos Publishing