Après 35 ans
d’exercice officinal, vous êtes prête à passer le flambeau à votre fils et à
lui transmettre une officine à l’avant-garde du développement durable. A quel
moment avez-vous décidé de vous engager dans cette démarche ?
Dominique
Vaissières : c’est un engagement de longue date,
que nous avons pris avec mon époux il y a plus de 20 ans, lorsque nous étions
associés de la pharmacie. Il se poursuit désormais avec mon fils, qui
prend le relais depuis deux-trois ans. Au sein de notre famille, nous
partageons la conviction que les pharmaciens peuvent faire beaucoup en faveur
du développement durable. La RSE n’est pas l’apanage des grands groupes !
Quelles actions menez-vous concrètement ?
D.V. : nous avons défini trois principaux axes de travail. Le premier concerne la gestion éco-responsable de nos achats. Nous privilégions les circuits courts et travaillons de préférence avec les laboratoires et les fabricants installés dans la région. Nous avons la chance en Occitanie de compter de nombreuses entreprises de santé, elles-mêmes engagées dans une démarche RSE. Citons Pierre Fabre, Pilège, Nutergia, MKL Green Nature… Cette politique de proximité est de plus en plus appréciée de nos clients. Le deuxième axe porte sur l’aménagement de la pharmacie. Nous l’avons retravaillé il y a trois ans afin de rendre les espaces lumineux et faciles d’accès. L’objectif est que les clients et l’équipe officinale s’y sentent bien. Nous avons par exemple installé un mur végétal, composé de bois de bouleau et de lichen stabilisé, ce qui créé une ambiance apaisante. Les meubles ont été recyclés et sont faits à partir de matériaux nobles. Quant aux vitrines, nous excluons les vitrophanies et les affiches promotionnelles, afin de faire rentrer la lumière naturelle. La communication sur les produits et les services est diffusée sur un écran, ce qui permet d’épurer les espaces.
Avez-vous mis en place des actions spécifiquement destinées aux membres de l’équipe ?
D.V. : c’est notre troisième axe. Nous accordons une grande importance à la qualité de vie de nos collaborateurs. Le personnel que nous recrutons habite à moins de 30 minutes de la pharmacie, pour lui permettre de venir à pied ou à vélo.
D’autres gestes éco-responsables ?
D.V. : le traitement des déchets bien-sûr, une action évidente dans une pharmacie au regard du nombre élevé de colis que nous réceptionnons. Autre action mise en place : l’analyse des compositions des produits que nous vendons, afin de supprimer ceux qui comportent des ingrédients pétrochimiques ou des perturbateurs endocriniens. Nous avons aussi acheté un véhicule électrique pour les livraisons de l’Ehpad que nous approvisionnons.
Votre pharmacie est labellisée Très Haute Qualité Sanitaire, Sociale et Environnementale. A quoi vous engage ce label ?
D.V. : il y a deux ans, nous avons effectivement
décidé d’aller plus loin et de mieux formaliser notre démarche. Nous avons été
accompagnés par le laboratoire Pierre Fabre et l’agence de conseil Primun Non
Nocere, ainsi que par la société Socotec, qui nous a octroyé ce label, à partir
d’un audit approfondi de notre organisation. L’évaluation a porté sur plusieurs
actions : le tri des déchets, le 0 papier, la consommation d’énergie, la
qualité de l’air, la réduction du bruit… L’audit a aussi intégré une étude de
satisfaction auprès de nos clients ainsi que l’évaluation des actions sociales
et d’accompagnement patients que nous menons, comme l’éducation thérapeutique
ou la conciliation médicamenteuse.
Vous avez mis en place des chartes d’engagement à destination des grossistes et des laboratoires. Que leur demandez-vous concrètement ?
D.V. : ces chartes s’inscrivent dans notre politique d’achats éco-responsables. Concernant la gestion des livraisons, nous demandons aux grossistes d’être livrés une seule fois par jour et de dématérialiser 100 % des factures. Ce sont des engagements somme toute faciles à faire respecter. En revanche, c’est un peu plus compliqué pour les laboratoires. Au cours des dernières années, ils ont fait des progrès pour supprimer les substances controversées. Et la plupart d’entre eux se sont engagés à réduire leur empreinte carbone. Mais il reste à optimiser la gestion des emballages qui sont encore trop standardisés : la chasse au vide revêt un enjeu écologique important.
Votre engagement a-t-il un impact en termes de chiffre d’affaires ?
D.V. : notre exemple démontre que l’on peut concilier développement durable et croissance de l’activité. Depuis que nous avons réaménagé notre pharmacie et accentué nos actions RSE, nous avons enregistré une progression de 60 % de nos ventes ! Cette dynamique est bien-sûr liée à l’extension de notre surface commerciale et à l’élargissement de notre offre. Nous avons ainsi développé les rayons compléments alimentaires, cosmétiques et parapharmacie, en privilégiant les marques bio, les formes solides, les consommables réutilisables… Et ça marche car ce positionnement répond aux attentes de notre clientèle. D’autant que nous sommes très vigilants sur notre politique de prix : il est pour nous très important de rendre accessibles les produits éco-responsables.
Pour finir, quels conseils donneriez-vous aux pharmaciens qui souhaitent s’engager dans cette démarche ?
D.V. : contrairement à ce que l’on
pourrait croire, la plupart des actions à mettre en place ne sont pas
chronophages et peuvent se faire progressivement, par étape. Cette démarche est
par ailleurs accessible à toutes les pharmacies car son coût est modeste. En
revanche, il est important d’engager l’ensemble de l’équipe officinale car il
faut jouer collectif ! L’important est d’être sincère dans ses engagements
et rigoureux dans le choix de ses partenaires.
Carte d'identité de la Pharmacie de la Tour
CA annuel : 3,5 M€
Surface de la pharmacie : 350 m2 dont 220 m2 alloués à la vente et à l’accueil des patients
Equipe officinale : 14 personnes dont 2 co-titulaires et 4 pharmaciens adjoints
Photo : Carole Litot