L’acquisition de PillPack en juin dernier marque une étape importante dans la stratégie du leader mondial du e-commerce pour révolutionner le secteur de la santé.
Rachetée pour un montant avoisinant probablement le milliard de dollars, Pillpack est une prise de choix pour Amazon. Créée en 2013 par un pharmacien et un informaticien, cette société s’est spécialisée dans la vente par correspondance et la préparation individualisée des médicaments destinés aux patients chroniques. Elle a connu un développement rapide grâce à sa capacité à couvrir la quasi-totalité du territoire américain. Certes son chiffre d’affaires demeure modeste (100 millions de dollars en 2017) au regard de celui du mastodonte de Seattle (177 milliards de dollars). Mais cette opération confirme la volonté d’Amazon de s’implanter durablement dans le secteur très attractif de la santé. Fait révélateur : la réaction immédiate de la bourse américaine à l’annonce de ce rachat . Les cours des principaux distributeurs pharmaceutiques (CVS Health, Walgreens Boots Alliance, AmerisourceBergen et McKesson) se sont immédiatement effondrés... La stratégie d’Amazon demeure toutefois assez floue et les observateurs peinent à identifier la ou les voies par lesquelles le groupe pourrait « disrupter » le monde de la santé. Est-ce que ce sera par la distribution physique des médicaments et des dispositifs médicaux ? Par la gestion optimisée des dépenses de santé, en se substituant aux Pharmaceutical Benefit Management Organizations (PBM) ? En améliorant la supply chain des établissements hospitaliers (achats et stockage des matériels médicaux, médicaments…) ? Ou en exploitant le système Echo et son intelligence artificielle Alexa® pour faciliter le suivi à distance des patients et le maintien à domicile des personnes âgées, malades et/ou handicapées ?
Une approche du secteur à 360°
Amazon est déjà présent dans le domaine de la santé à partir de son cœur de métier, avec la commercialisation de dispositifs médicaux et de médicaments d’automédication sur son site Internet. Début 2018, le groupe a confirmé son intérêt pour ce marché en lançant une gamme de produits OTC à sa propre marque, en partenariat avec le laboratoire Perrigo. Parallèlement à cette activité de e-commerce, il semble s’intéresser à l’activité de grossiste car en février dernier, le groupe a obtenu l’autorisation de distribuer des médicaments dans 12 États américains. Cependant, Amazon n’est pas encore devenu un acteur majeur de la distribution pharmaceutique car dans ce secteur, l’enjeu est de pouvoir livrer ses clients très rapidement, en moins d’une journée (que les médicaments soient d’automédication ou de prescription). Soit un délai inférieur à celui promis par son service Prime®. Certains experts prédisent que le groupe sera en capacité de relever ce défi en passant des partenariats avec des pharmacies indépendantes ou en installant des points de retrait dans ses 470 magasins Whole Foods Markets®, une enseigne de produits bio acquise en 2017.
Mais la « révolution Amazon » pourrait avoir une ampleur d’une plus grande importance si le groupe parvient à concurrencer effectivement tous les intermédiaires du système de santé, non seulement les grossistes et les pharmacies traditionnelles, mais aussi les PBM qui représentent une partie importante des coûts de santé outre-Atlantique. L’alliance passée en décembre 2017 avec le fonds d’investissement Berkshire Hathaway et la banque JP Morgan (1,2 million de personnes concernées) confirme l’intention du groupe de travailler sur l’accès aux soins et la réduction des coûts de santé. Un défi qui pourrait être relevé par les nouvelles technologies dans lesquelles Amazon investit. Citons notamment la prise de participation dans la start-up américaine Grail, qui développe de nouvelles techniques de séquençage dans le domaine du cancer, les services de cloud computing proposés par sa division AWS ou encore les développements d’Alexa® dans le suivi des pathologies chroniques, l’aide médicale d’urgence et la gestion des dossiers médicaux électroniques. Des développements qui font actuellement l’objet d’expérimentations avec des acteurs aussi divers que le laboratoire Merck & Co (Alexa Diabetes Challenge), la société de services à domicile Libertana Health, le groupe hospitalier Mayo Clinic ou la start-up Ask My Buddy.